Mauvais genre
Mauvais genre

Court-métrage de Sarah Al Atassi (2020)

Léto mène un quotidien solitaire dans la banlieue de Tours, trouvant refuge derrière ses écrans. Mais là où il cherche les sentiments, on ne lui propose que du charnel. Alors il erre, le coeur en bandoulière, à la recherche d'un alter ego qui fera taire l'amer. Qu'importent les hyènes en mal d'humanité, il est habitué. Et si la transphobie éclabousse, c'est pour mieux le booster ! Au détour d'une patinoire de proximité, Léto va croiser l'insoupçonné. Gare aux racistes inavoués, ça va balancer du rouge dans le quartier. Le coup de foudre est annoncé. Et il sera gay et glamour à souhait ! 


Le spectateur s’accroche très vite au personnage de Leto véritable coeur tendre au milieu d’un univers sombre et dur, vivant limite au milieu d’animaux sauvages, tel sont du moins dépeints une bande de jeunes livrés à eux-mêmes qui squattent un parc où Leto doit passer pour aller chercher sa bécane. Ça ne rate pas, il sera victime de leurs insultes et de leurs coups. A côté de ça, son travail pourrait être plus trépident dans un petit cinéma local si son patron n’avait pas des faux airs de Philippe Nahon dans SEUL CONTRE TOUS de Gaspard Noé (l’hommage étant plutôt clairement énoncé). Résultat, notre malheureux Leto trouve du réconfort sur les toits, auprès d’un vieux pas si amer, avant de finalement trouver l’amour.


La tendresse de cette relation presque idyllique n’en est que plus forte, par contraste, au milieu de toute cette violence et cette amertume. Le noir portrait de la banlieue vient se nuancer en quelques coups de pinceau et le regard du spectateur à l’instar de Leto cesse de voir tout en noir en découvrant l’attachant personnage de Hamza dont Issa Al Issa, son interprète, donne immédiatement une palette de couleur si attachante qu’il est tout bonnement de ne pas tomber, comme Léto, sous son charme !


Face à Issa, Leto est incarné par Sohan Pague que vous avez pu voir dans SKAM FRANCE (saison 6, 7, 8), mais également dans l’excellent court métrage LAVANDE de Alexandra Naoum diffusée sur France 3. Ce dernier apporte toute sa douceur, mais également une colère et une rage qui s’exprime non en hurlement, mais en gestuelle, certains plans sur la bécane évoquant presque la gestuelle d’un génie du burlesque, Buster Keaton. Il est impossible de ne pas comprendre sa rage et son désespoir qui dépeint si bien celle de notre époque où le rêve de toutes les possibilités se fracasse devant la froideur d’un univers individualiste. Y arracher un peu de poésie, un peu d’amour, semble être si difficile et la réalisatrice dépeint cela admirablement.


Sarah Al Atassi s’attaque à la fois au problème de la banlieue, à la transphobie, à l’homophobie, au racisme, et le fait avec brio. Sa mise en scène punchy n’empêche nullement aux sentiments de transporter le spectateur, bien au contraire. Ce mélange de couleur vive et de tons froids rend l’ensemble tranchant, et quand des couleurs douces apparaissent c’est pour une séquence psychédélique assez dingue. Bien sûr on ressent l’influence d’un cinéma français de genre qu’on a tendance à oublier sous l’afflux des comédies françaises et des drames dans des appartements bourgeois. En tout cela, MAUVAIS GENRE fait du bien ! A voir en festival ou sur la plateforme Canal +

Sophia
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le 6 oct. 2021

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