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Une relation interdite


Pour les néophytes du cinéma d’horreur asiatique, fantômes et créatures fantastiques hantent nos écrans pour nous terroriser. En réalité, ces femmes - parce qu’il faut l’avouer, ce sont majoritairement des esprits féminins - sont mortes trop tôt. Leurs disparitions, engendrées par un processus injuste, les amènent à hanter les vivants pour demander réparation.

Le cinéma coréen ne déroge pas à la règle et depuis sa naissance, il offre au spectateur des récits horrifiques tirés du folklore asiatique de femmes et de jeunes filles revenant réclamer justice. C’est dans cette lignée que la série de films d’anthologie Whispering Corridors voit le jour.



Memento mori, deuxième opus de la saga, raconte l’histoire de Min-ah trouvant un journal intime partagés par deux étudiantes qui s’avèrent être amoureuses. Cependant, dans une société ultra conservatrice où l’homophobie est sous-jacente dans les pratiques confucianistes, un amour lesbien est honteux, mal vu presque écoeurant. Comme l’héroïne, nous découvrons cette relation prohibée qui poussera l’une des amantes à se suicider et à venir hanter le lycée qui l’a marginalisée.


Le surnaturel critique


Le carnet, et le film par la même occasion, soulignent des incohérences dans les mœurs de la société. La relation homosexuel est critiquée tandis que les punitions corporelles sont acceptées ou que la relation d’un professeur avec son élève est tolérée (sans qu’elle soit approuvée). Cependant, les fortes critiques apportées par le film passe entre les mailles de la censure, encore très présente en Corée du Sud, grâce à l’aspect surnaturel de l’histoire. Le fantôme se venge d’un amour récusé et souhaite simplement que son amante accepte ses sentiments. Cet amour confère aux protagonistes un lien particulier, puisqu’elles cultivent un don de télépathie. Don, que Min-ah, notre héroïne, développera également en s’intéressant d’un peu trop près à cette relation (ou à la survivante du couple).


Cette manière de communiquer renvoie dans l’imaginaire coréen, au chamanisme et à la mudang qui ne se préoccupe pas des différences hétéronormées. L’histoire se pare, alors, d’une ambiance surnaturel qui, loin d’effrayer le spectateur, appuie sur la dimension passionnelle des protagonistes.


De l’amour à la mort


Tout le long du film, le sentiment amoureux est profondément relié à la pulsion de mort : celle qui détruit, qui blesse et qui tue. Le film se teinte alors d’un aspect mélancolique qui est également mis en scène par un montage rapide et saccadé de moments imaginés, rêvés ou passés. L’histoire d’amour évolue donc de façon parcellaire dans la narration, en nous renvoyant en arrière ou en nous faisant revoir plusieurs fois les mêmes scènes.

Le film crée une véritable ambiance fascinante.


Min-ah semble obsédée par le journal qui, pourtant, reste effrayant : la mort des amantes est évoquée sur plusieurs pages. Le journal disparaît et réapparaît au fil du métrage et Min-ah commence à avoir des visions d’horreur de mains se multipliant sur son corps et de tête coupée dans un casier. Mais même après ces hallucinations, elle ne peut reculer face à la volonté d’en savoir plus sur cette histoire dramatique rendant ces visions d’avantage mélancolique qu’horrifique. La musique composée par Jo Seong-woo enrobe le film d’une douceur surprenante qui renforce cet aspect prenant tout son sens au moment du climax.


Pour se détacher de cet univers scolaire rempli d’injustice face à un amour sincère, les amantes nous amènent, parfois, sur le toit du bâtiment où elles nous offrent un moment poétique. Innocentes et heureuses, leurs silhouettes se détachent sur le fond du ciel tandis qu’elles jouent ensemble loin des préoccupations de la société coréenne. Enveloppées par cette atmosphère vierge de nuage et de souci, elles semblent hors du temps dans un univers féerique où l’amour n’a plus de limite.

Margot_lvg
8
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le 8 avr. 2023

Critique lue 25 fois

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Margot Lavigne

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