Critiquer un fan-film est toujours une opération délicate. Quels critères appliquer pour de telles productions qui n'ont pas le quart du budget d'un film grand spectacle hollywoodien ? Difficile de faire la part entre la volonté de bien faire et le résultat final. Soit on est trop sévère et on s'attire les foudres des fans, soit on est trop laxiste et la critique devient une sorte d'autoroute promotionnelle. Décidant malgré tout de m'attaquer à Metal Gear Solid : Philanthropy, je me suis résigné à une approche intelligente mais mesurée. Il convient de dire, avant de commencer cette critique, que malgré son statut de film amateur, le coût de la production atteint tout de même les 10 000 dollars. On est loin du budget d'Avatar mais également un peu éloigné de la production totalement fauchée (du matériels pros ou semi-pros a été loués). Jugeons autant que possible ce film ambitieux malgré un investissement non équivalent.


Le film débute avec un texte d'introduction censé restituer les interrogations politico-philosophiques d'Hideo Kojima. Le narrateur, appelons-le ainsi, déroule en quelques lignes un pensum assez foutraque sur l'homme, la pensée, la nature de l'être humain et compagnie. La prétention affichée, une réflexion dense sur l'homme, échoue dans un verbiage abscons. On est loin de la qualité, et de la profondeur, par exemple, du monologue introductif de Snake dans Metal Gear Solid IV : « War has changed ».


Après cela, le film nous projette dans les bois, en pleine nuit. On découvre deux militaires déambulant arme aux poings entre les buissons et les arbres. Seulement, un des deux guérilleros s'affale d'un coup.


Pourquoi ? On ne sait pas, même en repassant la scène au ralenti on observe ni balle, ni explosion, ni quoi que ce soit. Le type tombe, tout simplement. La crédibilité de la production est rapidement écornée. C'est sans compter sur les événements qui suivent et qui viennent clore cette première scène : le « blessé » se fait trainer par son camarade quand, au loin, un halo bien brutal tout droit sorti d'After Effects inonde l'écran. Plus que l'effet spécial raté, ce que je critique ici est cette manie, si récurrente dans le fan-film, de la paresse.


Petit écart pour que je puisse m'expliquer. Dans le milieu de la série B aux Etats-Unis, bien des réalisateurs ingénieux ont fait leurs preuves. A la tête d'un film au budget ridicule, certains créateurs de génie contournèrent le problème du manque de moyens plutôt que de foncer dedans. Ainsi, un homme comme Jacques Tourneur, en tournant La Féline, travailla sur les ombres, des scènes contemplatives, des cris de bête pour restituer une ambiance et créer une tension. Pas de budget mais un film intelligent et créatif. C'est là toute la différence avec le fan-film type Metal Gear Solid : Philantropy qui, à aucun moment, ne tente de contourner le problème du budget.


Reprenons notre critique. Snake arrive, dans la pénombre, mystérieux. Notre célèbre héros menace à moitié les deux militaires. Là encore, on ne comprend pas pourquoi. On ne comprendra pas plus à la fin du film.


On retrouve ensuite un avion volant dans les airs. Le résultat n'est pas trop probant mais n'a rien de désolant. Le plus gênant, c'est le jeu des acteurs. Le spectateur découvre un jeune homme portant des lunettes, tordant sa bouche pour signifier l'inquiétude, se touchant le menton pour montrer le doute. Il s'agit d'un commanditaire, mandatant Snake pour une mission, surjouant son rôle. A moins d'en faire un parti-pris, comme chez Rohmer ou chez certains films d'Ozu, le jeu amateur passe mal et enlève toute crédibilité à l'histoire racontée. C'est ici, malheureusement, le cas.


L'histoire est simple, Snake rempile pour une mission dont il a le secret. Il doit aller chercher un sénateur véreux qui se planque dans les bois d'une hypothétique Sibérie pour qu'il réponde de ses actes et explique tout un tas de mystères. Snake nous gratifie d'un jeu monolithique entre Chuck Norris et Christophe Lambert, toujours ce problème du jeu amateur doublé à celui du charisme. Il plisse les yeux, serre les dents et joue ainsi tous les registres : réflexion, peur, doute et compagnie.


Pourquoi ne pas aider ce comédien sans réel talent expressif par des angles de caméra le dissimulant (obscurité, plan coupant une partie du visage...) ? En plus d'atténuer un jeu approximatif, l'opération aurait permis d'ajouter un peu plus de mystère au personnage de Snake. A la place, les cadrages classiques se succèdent, sans réflexion sur la mise en scène.


Le commando se complète d'un homme, un ancien de la légion étrangère, et d'une femme qui sort d'on ne sait où mais dont on nous dit qu'elle est très douée même si elle renferme quelques troubles psychologiques. Dès qu'on découvre les deux mercenaires, la crédibilité initiale s'écorne un peu plus. L'approche est bouffonne et même si l'univers de Kojima distille quelques pas de côté délirants jamais le ton de la série ne vire, comme ici, à la bouffonnerie. Le cabotinage de l'homme de la légion étrangère ne passe pas mieux que le jeu monolithique de Snake.


La fille elle est découverte par Snake dans les bois, par hasard, pile quand notre héros arrive. Encore une bizarrerie du scénario. Entre deux peupliers, une voiture débarque et des soldats chassent la donzelle qui était justement à bord. Histoire d'équilibrer le jeu excessif de l'homme de la légion, notre guerrière joue elle la carte de la retenue la plus totale. C'est bien simple, durant tout le film elle tire la tronche. A noter que les militaires qui la déposent lui lancent une pierre en pleine tête, comme ça, pour la beauté du geste comme dirait l'autre.


Puis la nuit tombe, notre équipe a récupéré entre temps un russe dans le village d'à côté. Un informateur. Nos trois soldats discutent, stratégie et compagnie, et Snake en profite pour reluquer sa collègue mercenaire. Un grand moment de sensualité en carton pâte, une scène « érotisante » qui tombe à plat.


Bref, le lendemain notre petite armée arrive au point de rendez-vous seulement l'informateur devient dingue, se lève de la planque et se prend une bonne balle en pleine tête. L'endroit est une base militaire énorme où vivent des soldats et des gars qui se baladent sur des robots géants avec un catogan dans les cheveux. L'endroit secret se fait d'un coup attaqué par des types ressemblant à des zombies ou du moins des possédés.


Snake et sa bande foncent récupérer leur cible. Alors qu'ils frôlent les murs, ils se font honteusement gauler et déclenchent les hostilités. L'occasion de voir une fusillade mollassonne. Un militaire se fait toucher, sa propre grenade explose à ses pieds. Du coup, le réalisateur nous gratifie d'un gros plan sur un maquillage qui fait peine à voir. Où sont les talents de gore des italiens du cinéma bis des années 70 ? Productions absolument fauchées mais créatives voire répugnantes à ce niveau-là. Ou alors, pourquoi ne pas jouer la carte de l'infiltration intelligente afin d'éviter des joutes fumantes qui, le budget faisant défaut, ne donneront rien ? Foncer et ne pas contourner, encore et toujours.


L'équipe s'enfuit au ralenti, notre brave Snake, histoire de montrer toute l'étendue de son talent, effectue un petit saut totalement inutile puisque les autres se contentent de courir normalement. Malheureusement, un robot géant déboule. Les deux autres membres de l'équipe se barrent comme des poltrons en laissant Snake se faire à lui tout seul le monstre d'acier de plusieurs mètres de haut.


N'écoutant que son courage, Snake s'empare d'un bazooka fait en PVC et balance quelques roquettes sur le monstre d'acier. Après plusieurs roquettes et une bombinette scotchée sur sa face, le robot se désintègre dans une avalanche d'explosions aussi ratées que le halo du début. Encore une fois, ça vire à la redite, on retrouve ce problème de l'abord frontalier. Avec un budget de 10 000 dollars, on ne filme pas un affrontement au bazooka avec un robot géant, on contourne.


Notre équipe retrouve enfin les bois avant que le générique de fin se termine sur un plan panoramique nous signifiant qu'il y aura bien une suite.


Conclusion


En cherchant, sans les moyens suffisants, mais surtout sans aucune intelligence de la mise en scène, de l'art de contourner les carences financières par un imaginaire créatif, Metal Gear Solid : Philanthropy tombe dans le même piège que bien des productions amateurs. Faire comme les grands mais sans l'argent et le talent d'un vrai réalisateur. Le projet aurait été plus pertinent, et de meilleure qualité, si ce dernier avait tenté une approche plus fine de son sujet.

Al_Foux
4
Écrit par

Créée

le 31 déc. 2015

Critique lue 408 fois

1 j'aime

Al Foux

Écrit par

Critique lue 408 fois

1

D'autres avis sur Metal Gear Solid : Philanthropy

Metal Gear Solid : Philanthropy
Al_Foux
4

Un fan-film médiocre

Critiquer un fan-film est toujours une opération délicate. Quels critères appliquer pour de telles productions qui n'ont pas le quart du budget d'un film grand spectacle hollywoodien ? Difficile de...

le 31 déc. 2015

1 j'aime

Metal Gear Solid : Philanthropy
MarhaMadara
7

" You're pretty good ! "

Le tout est financé par Hive Division,Giacomo Talamini et un groupe d’étudiants italiens (budget: 10 000 euros putain !) Moi qui suis jamais le dernier à crier haut et fort que ce jeu est...

le 21 sept. 2016

Metal Gear Solid : Philanthropy
Vash
8

Metal Fan Gear

Difficile de s’attaquer à l’adaptation d’un monstre du jeu vidéo qu’est Metal Gear Solid, et pourtant ce fan-movie s’en sort plutôt pas mal. Les références au jeu sont nombreuses et raviront les...

Par

le 27 févr. 2015

Du même critique

La Grande Peur des bien-pensants
Al_Foux
7

Un classique du pamphlet français

Bernanos est un écrivain fascinant pour sa trajectoire, du franquisme à l’anti-franquisme pour finir dans les bras de la religion, voire du mysticisme. J’en avais parlé lorsqu’il était question de...

le 5 janv. 2016

11 j'aime

1

Le Camp des saints
Al_Foux
7

Vision apocalyptique de la France

On en reparle depuis qu’il réédite son livre le plus sulfureux, et également son livre le plus connu, Jean Raspail revient pour nous parler de ses craintes, de son attachement à ses racines presque...

le 5 janv. 2016

6 j'aime

Dialogue de "vaincus"
Al_Foux
7

Sublime

Lucien Rebatet et Pierre-Antoine Cousteau se définissaient comme des écrivains fascistes. Au lieu de les stigmatiser, et ainsi de mettre automatiquement le verrou, le livre Dialogue de « vaincus »...

le 5 janv. 2016

6 j'aime