Si, comme elle le dit lors d'un échange avec Nino, la personnage de Jeanne est une actrice fatiguée par ses rôles pour le cinéma et pour la télévision, il n'en est rien de Noémie Merlant qui, en plus de l'incarner, vêt les habits de réalisatrice (pour la première fois), de scénariste et même de productrice. Fabriqué comme une armoire Ikéa et avec la bonhomie d'une virée à Leroy Merlin, Mi iubita mon amour est un premier long-métrage pensé et construit au jour le jour, nuit après nuit dans le ciel de fougue où brillent les étoiles de la spontanéité. C'est à l'occasion d'un séjour prévu en Roumanie dans la famille de Gimi-Nicolae Covaci (coscénariste et acteur solaire) que Noémie Merlant a dégainé son télescope pour capter les lumières environnantes.


Film de nuit, d'ennui, de péripéties, Mi iubita donne la première couleur à ce diptyque. Sur la route des vacances, tête en l'air, en dehors de l'habitacle de l'auto, Jeanne a besoin d'oxygène. Pendant ce temps-là, ses trois amies s'engueulent, rigolent, bavassent. Direction la Roumanie pour enterrer sa vie de jeune fille. À la lettre, cet enterrement de vie de jeune fille sera celui d'une vie antérieure, d'une culture occidentale confrontée à celle de la Roumanie, à son organisation et le mépris qu'elle a pour la culture tzigane de Nino et de sa famille. À l'écran, Nino est dans la nuit (titre du deuxième roman de Simon et Capucine Johannin).


Film de jour, d'amour, de séjour, Mon amour est le second volet du long-métrage. Sur la plage des vacances, têtes en l'air et corps dans l'eau. Le soleil coule, les amours dégoulinent toujours dans la pudeur de corps désireux et respectueux. Nino est doux. Nino est dans le jour. Sur le sable des passions, le temps s'écoule et les quatre amies, ces astres, gravitent autour d'un homme, Nino, l'enfant mature d'une vie en dur.


Un beau jour, un jour laid plutôt, la réalité revient au galop. Elle revient avec ses sabots trop gros pour être ignorée. Il faut faire le deuil, il faut enterrer la vie de jeune fille. Il faut enterrer, amasser sous la terre, fermer le cadenas de ses idéaux, profondément, et les laisser cloîtrés entre les quatre planches. Tuer la petite fille et vous verrez qu'elle reviendra, sous forme de vampire ou de fantôme, elle reviendra dans la nuit, elle sonnera à minuit, au dehors sous la pluie, avec Nino dans la nuit.


Mi iubita mon amour est gauche, un film côté cœur qui claudique entre le jour et la nuit, un film d'erreurs au parfum euphorisant, une armoire Ikea montée avec toute la bonne volonté de ce monde, celle du soleil, des astres et désastres. Cette armoire est mal montée. Cette armoire est mal fermée. Les fantômes sortiront. Et toujours Nino dans la nuit...

thomaspouteau
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le 15 oct. 2021

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