Festival du cinema de l’Est. Michael de Markus Schleinzer (2011)

Markus schleinzer traite dans son film d’un sujet choquant avec une subtilité énorme. Michael, le anti-héro principal est en effet un personnage méprisable, de par son invisibilité dans le monde quoi l’entoure et le plaisir sexuel qu’il ne trouve qu’en violant un enfant d’une dixaine d’années.

Toute la subtilité du réalisateur réside dans le parti pris de statisme et de simplicité de l’image.

Les dialogues memes sont vides : de courtes phrases echangees pour l’essentiel du film, et pour la plupart des banalités. Cette facon de s’accrocher sur les menus details souligne l’horreur de la situation de l’enfant. Cette pudeur ne fait que mieux souligner la gene que nous ressentons face à ce pédophile, que nous observons.

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Le film s’ouvre sur de nombreuses portes. La porte, c’est ce qui protège l’enfant de michael. C’est aussi ce qui le tient sous son coude. Michael vit dans une maison où toutes les portes sont fermées, et celle derrière laquelle se vit l’enfant se tient derriere 3 ou quatre autres portes, dont une insonorisée et une blindée. Lorsque la collègue de michael entre a l’improviste chez lui, il se met en colère parce que les portes qu’elle a franchies sont des limites avec le monde extérieur, la société (qui conteste fortement la pédophilie, les parents de l’enfant, la morale…). Il va donc la faire sortir et fermer deux portes et le garage derrière lui.

Sa réaction le fait passer pour un fou furieux.

Cette symbolique de l’enfermement donne des indices dès le départ sur la vie cachée de michael, et surtout sur le fait que ses pulsions sont réprimées (si elles le sont, c’est notamment parce qu’elles sont pédophiles).

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Les sentiments de michael, que l’on caractérise au départ uniquement comme un pédophile (et donc, un fou, un personnage méprisable) nous apparaissent peu à peu. C’est avant tout un homme seul. Un maniaque et un consciencieux. Mais aussi un homme que meme ses propres amis connaissent mal. Un introverti. Un homme invisible. Un vrai monsieur tout le monde. Un monsieur personne.

Loin de jouir de la situation dans laquelle il met l’enfant, il souffre lui aussi de le voir malheureux. Ses maladies sont d’enormes angoisses pour lui (de plus, il ne peut pas emmener l’enfant voir un medecin!), et il neglige plusieurs fois son travail pour s’occuper de lui. Il entreprendra de contrer la solitude de l’enfant en tentant de ramener un autre enfant, tentative qui echouera de peu.

Loin de s’attacher à lui, le spectateur peut comprendre ses démarches, meme si ce personnage nous donne completement la gerbe.

Le rôle de la chambre est essentiel : michael controle tout. Il est le seul a decider des entrées, sorties de l’enfant et de lui-même, il est le seul à decider du moment où il violera l’enfant. Et pourtant tout cela est tres planifié. Tres carré. Le moindre accro lui pose des problemes enormes.

Mais il est aussi le seul à decider du moment où l’enfant peut avoir de la lumière (avec l’interrupteur du système electrique). Une chose que l’enfant contre en allumant une lampe de poche sous sa couette.

Ce controle extreme symbolise meme l’intimité de l’enfant : il n’en a pas. Sa chambre est concue a cette image. Il a dans la meme piece, de quoi se nourir, de quoi satisfaire ses besoins naturels, ses jeux, et son lit. Au contraire, michael possede toute la maison pour lui.

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Le rôle des portes est essentiel.

interrupteur, garage, portail, porte blindée, porte liant le garage à la maison, porte d’entrée, porte insonorisée, portes de la cave que la mère ouvre à la fin, portes de placards : toutes participent a la dissimulation de michael (puis de l’enfant). Le monde exterieur n’intervient a aucun moment, parce que michael n’a rien a faire dehors. Il ne s’adapte pas au monde.

la porte symbolise donc le secret.

La scene finale, ou la mere ouvre toutes les portes pour debarrasser la maison des affaires de son fils mort est symbolique : elle entre de plus en plus loin dans l’intimité de michael, elle entre dans la maison, puis dans la cave et apres avoir fouillé la cave et ouvert un nombre incalculables de portes, elle ouvre le réduit ou est l’enfant. C’est a la fois une fouille, une découverte, mais aussi une forme de violation, quand on connait l’importance de ces portes pour michael.

Les seules portes ouvertes : les portes entre les pièces du rez de chaussée et les pièces dans lesquelles l’enfant peut se mouvoir quand michael ferme tous les volets.

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Malgré une grande pudeur, le film est néanmoins d’une grande violence qui reste psychologique, puisqu’a aucun moment on ne voit michael violer l’enfant, ou s’en approcher de pres.

Lorsque michael est projetté par la voiture, cette scène comporte pour nous un choc : un seul choc physique du film mais suivi immediatement d’un ecran noir total. Puis un cimetière, et une cérémonie de mise en bière que l’on comprend etre celle de michael.

Cette scène est violente de par sa rapidité, sa briéveté et sa netteté. Mais aussi parce qu’a aucun moment on ne s’attend a ce que michael meurt.

Le deuxieme choc s’opere lorsque michael sort son penis, un couteau a la main pour demander à l’enfant : “tu preferes que je te plante mon couteau ou ma bite?”. D’abord, cette réplique est prise dans le porno qu’il a regardé la veille, et la resituer à ce moment, à table, devant l’enfant, releve pour nous d’un choc. Mais pire, lorsque l’enfant leve la tete, rebaisse les yeux sur son assiette et impassible déclare : “le couteau”. Cette réplique est l’image meme que michael ne comprend pas la position de l’enfant. Ils sont en décalage sur tout. Et donc, ils ne vivent qu’ensemble par que l’un en est obligé.

Le troisieme element qui vient choquer considérablement le spectateur est le moment ou michael entre dans la chambre de l’enfant en calecon avec son tube de lubrifiant. Scene choquante par sa simplicité et pleine de sens. Sans un mot, il eteind la lumiere en regardant le lit de l’enfant. Le mot que l’on cherche est “ecoeurant”.

Mais aussi, la scène de sexe entre michael et une femme rencontrée au ski. Il ne la connait pas, il n’est pas attiré par elle, mais il a juste besoin de se confirmer sa normalité. Il ne peut quand meme pas la prendre autrement qu’en levrette.

Et finalement, la scène pendant laquelle l’enfant nettoie le plan de travail et Michael se touchant le penis lui demande d’interrompre sa tache et de venir le voir.

le film pose une question : celle de savoir si nous, nous pourrions être et nous serions comme Michael. y a t il un personnage malfaisant caché au fond de chacun de nous? à quel moment un homme peut il se casser au point de briser un enfant? et enfin, es ce que le pédophile éprouve des sentiments amoureux pour l’enfant qu’il viole?

toutes ces questions se soulèvent, et restent en suspens, puisque le film ne peut se permettre d’y répondre. les soulever est déjà énorme dans notre société. y répondre n’est pas envisageable.



drame autrichien

réalisation : Markus Schleinzer

acteurs : michael fuith, david rauchenberg, christine kain.

1h34

7 nominations à Cannes en 2011 notamment la palme d’or.
NafiDiop
9
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le 5 déc. 2013

Critique lue 860 fois

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