Au fond, dans "Michael Kohlhaas", d'Arnaud des Pallières, il y a d'emblée toute une série de couches visuelles et narratives qui permettent d'intégrer le film dans un genre spécifique. Costumes, époque, chevauchées, vengeance. Des matières destinées, sur le papier, à composer un grand film d'aventures historiques ou un western, sous forme d'hommage à Ford ou, plus encore, à Anthony Mann, pour la prégnance des paysages. Mais quand on connaît un tant soit peu la veine auteuriste, confidentielle, du cinéaste, on se demande avec une certaine curiosité quelle posture il va adopter face à un tel sujet.
La position de des Pallières n'est en tout cas aucunement ironique, pas plus que son approche ne surplombe cette histoire d'un homme éperdu de justice qui va jusqu'à enfreindre les codes d'honneur auxquels il tenait. Le film avance, porté par la détermination butée et quasi mutique d'un homme dont le moteur de l'action pourrait se résumer à une phrase : qu'on lui rende ses chevaux frais et propres.
Qu'une formulation aussi rigide par sa répétition sérialisée puisse engager l'acte d'un homme (puis de toute une bande) dans un élan d'une ampleur progressive, imprime au film un mouvement irrépressible. Pourtant, ce mouvement qui se constitue en déplacements, batailles, vengeance n'a pas l'allure des schémas hollywoodiens. Le film de des Pallières, s'il refuse la dimension spectaculaire inhérente à une telle histoire - qu'on peut bien appeler une épopée -, acquiert une force par la tenue de sa concentration narrative, de son jaillissement quintessencié.
Du sang et de la violence, il y en a dans "Michael Kohlhaas", mais restitués dans la ténuité d'un cérémonial intime : épées, arcs et flèches sont bien là pour marquer les corps de leurs empreintes, mais cela se produit à coup de plans rapprochés, si bien que les trajectoires en sont rendues inévidentes. Le cœur de la violence, avec ce que cela suppose d'explosion, n'intéresse pas Arnaud des Pallières. S'il s'engage dans sa représentation, c'est pour mieux en déjouer le tracé attendu. C'est ainsi que le parcours d'une lame débouche sur sa résolution ensanglantée (...)