On ne plaisante pas avec la mort, même quand on la commercialise.

Je veux bien t’aider à mourir…mais seulement si tu en as vraiment besoin. Je ne te tue pas, j’arrête tes souffrances. Tel est le discours que se répète Miele qui, au quotidien, traverse la frontière mexicaine pour acheter des barbituriques mortels destinés aux animaux.
Les chiens, quand ils souffrent, on les pique. Pourquoi pas les hommes ?

Miele appartient à une organisation calibrée dirigée par un médecin italien d'un hôpital romain. Elle effectue son travail sérieusement et par étape: à l'issue du processus, seul le malade peut effectuer le geste fatal, personne d'autre n'en prend la responsabilité. De son côté, Miele veille à ce que ces derniers moments soient les plus paisibles possibles : un intermède musical choisi par le « client » accompagne son chemin mortuaire, des petits chocolats sont disposés sur le plateau, entre les anxiolytiques et le poison. Une fois la vie terminée, Miele prend son enveloppe et retourne dans sa cabane au bord de la plage. Cette partie de sa vie, personne ne la connaît. De toute façon, il n’y a pas grand monde: son père veuf, un peu seul, à qui elle vient rendre visite de temps en temps à Rome, son amant, un père de famille un peu dépassé et quelques amis.
Rien ne se passe vraiment dans la vie de cette jeune italienne ; rien ne semble l’atteindre. Son « travail de merde » comme lui fait constater la sœur d’un client, il lui convient très bien.
Pourtant, le jour où elle découvre qu’un client à qui elle a remis des barbituriques n’est pas malade, elle ne le supporte pas. Elle veut bien contribuer à arrêter les souffrances physiques mais la fatigue mentale, la vie s’en accommode. On ne joue pas avec la mort.

Miele a donc une morale, mais sa ligne de conduite est difficile à cerner. En entrant dans la vie de ce client, pour récupérer le produit qu’elle lui a donné, elle se trouve confronter à ses propres contradictions. Pourquoi la souffrance physique justifie t’elle davantage la fin de vie qu’une maladie mentale ? Pourquoi un client dépressif est-il moins convaincant qu’un tétraplégique ? Et qui faut-il convaincre?
La mort est toujours une épreuve, quel que soit ce qui la provoque. Elle laisse des regrets à ceux qui restent et un voile d’appréhension sur le visage de celui qui part. On a peur de la mort, même si on l’attend un peu. Pour Miele, le visage de ses clients dans leurs derniers instants est toujours effrayé, comme si soudain, ils avaient changé d’avis.
Face au cynisme de ce dernier client, Miele perd pied. On ne plaisante pas avec la mort, même quand on la commercialise.
Pour son client au contraire, la mort est une formalité. Il la veut simple, sans spectacle. Un coup de feu, une défenestration, ce n’est pas assez intime, il va déranger tout le quartier! Se suicider proprement est une opération compliquée. Voilà pourquoi il préfère se faire aider.


Le film de Valeria Golino fait réfléchir mais ne va finalement pas très loin. On sort de la salle en se disant qu’effectivement, l’euthanasie est moralement compliquée et qu’il est difficile d’imposer à quelqu’un d’en prendre la responsabilité. Si quelqu’un souhaite mourir, la société préfère le suicide à la mort assistée. Le film se termine sur ce constat cynique et désabusé...ni pamphlétaire, ni spectaculaire, le message n'en reste pas moins dérangeant...
C-L
7
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le 15 oct. 2013

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C-L
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