Mignonnes raconte l’histoire d’une jeune fille de 11 ans, Amy, qui cherche à s’intégrer dans un groupe de danseuse de son école et échapper au foyer familial qui force sa mère à partager la vie de son mari avec une autre femme. Très vite le caractère d’Amy dévie vers de gros troubles de son comportement habituel, posant problème à sa famille, ses amies, et surtout à elle. Polygamie, fracture social, intégration, conditions féminines et hypersexualisation de la jeunesse, voilà les grandes thématiques abordées pour la prometteuse jeune réalisatrices Maïmouna Doucouré sur son premier long-métrage Mignonnes sorti il y a peu de temps en France et déjà récompensé aux Etats-Unis ainsi qu’au festival de Berlin. Le film dérange, outre une polémique lors de la sortie du film sur Netflix aux Etats-Unis, on constate un véritable vent de fraîcheur par une réalisatrice qui, on le sent, a des choses à dire, et surtout sait comment l’exprimer. Mignonnes choc par son imagerie sulfureuse et des thématiques peu abordés qui font plaisir à voir malgré quelques imperfections qui empêche toutefois de rendre la copie parfaite.
Le film brouille, gêne, dérange, créé vraiment durant certaines séquence un réel malaise face à la perversion qu’on nous force à regarder. C’est cette abjection qui nous stimule tout le film, à chaque fois surpris par l’extrémité vers lequel se dirige l’héroïne pour se faire accepter, pour montrer de quoi elle est capable aux autres et trouver ses propres imite mais qui n’en finisse jamais lorsqu’à cet âge on a le sentiment de n’avoir rien à perdre. Mais ce malaise créé une distance avec les personnages. Les péripéties deviennent de plus en plus grossières, l’invraisemblable commence à se faire sentir. La tendance est plutôt à sortir par moment de l’action, créant une distance qui s’allonge entre récit et spectateur pour suivre au final la fin de l’histoire d’un œil plus extérieur. On devient plus observateur à ce qui se passe et l’immersion est rompu.
Par ailleurs on remarque, notamment au début et au milieu, que le film évite tous les conflits parentaux et familiaux en coupant juste avant le moment de la dispute. Au contraire des conflits entre jeunes qui s’étirent beaucoup plus, se laissent voir et surtout entendre. Les dialogues très crûs font mal, arrivent de tous les côtés et font pleinement ressentir la brutalité dont ils sont faits, avec une violence terrible, faisant naître des scènes absolument touchantes. Cependant, cette coupe juste avant la dispute de la mère par exemple la fait un peu oublier, ce côté familial passe parfois un peu au travers pour finalement ressurgir d’un coup à la fin, sans vraiment s’impliquer vraiment dans la continuité du récit mais laissant paraître au contraire une forme plus décousue. En effet le film donne l’impression de suivre une histoire étapes par étapes, une action choquante en entraîne une autre toujours plus grande. Le montage rapide et le fait de s’enchainer des moments clés du changement de comportement d’Amy très régulièrement fait en sorte qu’on ne puisse s’imaginer la suite, l’anticipation est toujours impossible ce qui empêche d’un autre côté tout ennui.
On peine ainsi à y trouver une histoire crédible à suivre mais cette prise de distance propose cependant un espace à la réflexion et la prise de conscience intéressant. On perd en effet l’attachement et l’identification qu’on avait aux différents personnages, mais pour mieux observer la décadence vers lequel ces jeunes filles sont poussés à aller. L’hypersexualisation de notre société et la perpétuelle quête de popularité caractérisé par ces likes les aveugles littéralement, et ce sont évidemment toujours les enfants seuls, sans repères, dont les parents eux-mêmes en difficultés ont du mal à les mettre en garde contre cette forme d’asservissement qui les détruisent. Notre œil extérieur nous permet d’observer cette mise en forme de ce fait de société et dont le film semble sonner comme un cri d’alerte envers celui-ci, tout en ne proposant pas vraiment pour autant de solution ou de message clair pour un quelconque changement, si ce n’est un début d’espoir possible qui sort un peu de nulle part à la toute fin. Le film reste cependant plaisant et très sympathique à voir par son esthétique cohérente, une direction d’actrice terriblement juste, chaque comédienne est vraiment bluffante et le sujet, bien que difficile à aborder, est très bien mis en image.

Séance_critique
5

Créée

le 9 sept. 2020

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