Avec "The killing of a sacred Deer" et son pitch rappelant "Théorème" de Pier Paolo Pasolini, Yorgos Lanthimos livre un conte horrifique maîtrisé. Distillant une atmosphère anxiogène savamment orchestrée, alternant satire sociale, terreur psychologique, et surréalisme, le film s'impose peu à peu comme une grande tragédie grecque. Captivant et très éprouvant.


Le premier long métrage du réalisateur, "Canine", racontait en 2009 la dérive d'une modeste famille grecque coupée du monde extérieur sous le joug d'un père dictateur. Film concept-surréaliste écoeurant, il portait en lui tous les stigmates de son confrère autrichien Michael Haneke, un goût immodéré pour la provocation. Entre temps, trois longs dont deux autres films concept, the Alps et The Lobster (primé à Cannes en 2016) ont permis à Yorgos Lanthimos d'accroître sa notoriété et son public. Présenté et également primé au Festival de Cannes en mai dernier, son dernier opus "The Killing of a sacred Deer" se révèle être quant à lui un brillant exercice de style, d'une originalité formelle et narrative déroutante. Ici, une famille bourgeoise américaine modèle (interprétée avec brio notamment par Nicole Kidman et Colin Farrell) est mise à mal par l'arrivée d'un mystérieux jeune homme dans leur vie. Tout l'équilibre moral, psychologique et physique de chacun va lentement basculer dans l'horreur face à ce qu'il va leur imposer: un ultimatum insoutenable. Non sans évoquer ce qu'aurait pu être un épisode de la 4ème dimension à la précision chirurgicale (on pense d'ailleurs à The Box de Richard Kelly), chapitre après chapitre, le film s'engouffre ainsi dans un cauchemar éveillé à la beauté glaçante grâce à une mise en scène au cordeau. Cadrages somptueux, utilisation du grand angle et jeux de zoom étourdissants, narration évitant les pièges (de l'absurde et de l'horreur oui mais aussi beaucoup d'humour) bande son hypnotique (Johnnie Burn/Under The Skin); "The Killing of a Sacred Deer" suscite une véritable fascination.


Film de genre horrifique complexe, expérimental, insolent, visant les principes et tabous d'une famille américaine exemplaire érigé en petit théâtre mythologique, ce n'est, inévitablement, pas un film pour tout le monde (âmes sensibles s'abstenir) mais il n'en demeure pas moins une pièce unique et magistrale à l'avant garde du cinéma contemporain. Stanley Kubrick aurait-il enfin trouvé son successeur ?

FredBloodgreen
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le 28 oct. 2017

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