Mmmmmh OK…
Bon…
De deux choses l’une.
Soit face à ce film je me suis soudainement retrouvé victime d’une violente poussée de Durendalisme, ce qui explique pourquoi je n’ai rien vu, rien senti, rien compris du génie qui émane de cette « Mise à mort du cerf sacré » ; soit l’ami Yorgos Lanthimos s’est juste tapé un petit trip gratos – se foutant un petit peu de notre gueule au passage – et pas mal de monde a marché dedans à plein pieds.


Alors heureusement, on est sur SensCritique.
Du coup on peut aller lire les analyses de ceux qui ont vu. De ceux qui ont senti. De ceux qui ont compris.
Parce qu’il y en a des 7, 8, 9, voire carrément des 10/10 à ce film hein !
Donc bon…Lisons.


« Bla bla bla…
Complexe… Subtile…
Métaphore… Symbolique… Hypnotisme… Envoutement…
Bla bla bla...
Kubrick… Pasolini… Histoire de la Grèce… Racine ?… (Ha ! Ha ! Filmosaure, sur ce coup-là toi t’es un bon… ^^)
Le scénario est une meeerveeeeille d’écriture ! (Non mais je t’en prie ! Lâche-toi Ffred !)
Mais pourquoi Cannes n’est-il pas allé au-delà du simple prix pour le scénario ?
Chef d’œuvre… »
Bon bah c’est bon. Je pense que ça ne va pas être nécessaire d’en lire davantage.
Je crois que j’ai compris.


C’est tout con mais, moi, quand je lis ça, ça me tout de suite fait penser à un article que j’avais écrit il y’a de cela quelques années – « 10 leçons pour devenir un bon critique » – un article qui se voulait une notice sarcastique des bonnes vieilles ficelles utilisées par les Frodon, Neuhoff et autre Kaganski pour bien nous enfumer comme il faut.
La recette au fond était assez simple : matraquage de superlatifs pompeux, de pronoms indéfinis, de références classiques… Mais surtout pas d’analyse de séquence ; pas d’éléments factuels sur lesquels faire reposer ses arguments ; rien qui ne puisse révéler qu’en fait on pédale dans la semoule du début jusqu’à la fin.


Donc bon…
D’accord, c’est bien gentil de rigoler un peu et de faire son prestidigitateur verbal avec des films qui, comme celui-là, nous en donnent l’occasion – et je ne jette pas la pierre parce que des fois j’aime succomber à la tentation – mais d’un autre côté je me dis que, de temps en temps, ça pourrait peut-être aussi faire du bien qu’on se pose un petit peu plus sérieusement sur ce « Mise à mort du cerf sacré » et qu’on dise clairement ce qu’il est…


Film de plasticien ?
Oui, cette « Mise à mort du cerf sacré » l’est incontestablement.
Cadrages cliniques. Traveling à vitesse constante et jamais à hauteur d’homme (soit en plongée soit en contre-plongée). Photographie qui laisse de plus en plus de place à un bleu terne et froid.
OK, c’est propre et c’est cohérent avec cette famille de médecins qui entend tout contrôler jusqu’à leurs émotions.
Sur ce point, pas de souci.


Film hypnotique et envoutant ?
Mmmh pourquoi pas…
A dire vrai tout dépend par quoi on accepte de se laisser envouter.
S’il suffit juste de claquer régulièrement des nappes sonores à base de crissements stridents ou d’abaissement dans les graves, alors d’accord : ce film est « envoutant ».
S’il suffit que les personnages se contentent de réagir froidement à des choses qui devraient susciter chez eux de l’émotion ; s’il suffit de parler platement de règles ou bien d’associer des moments d’érotisme à des figures morbides, alors d’accord : le film est « hypnotique ».


Film au scénario remarquable ?
Bon, c'est là je crois que je vais avoir besoin qu’on me donne des arguments.
Parce que bon, moi je ne demande qu’à être convaincu hein !
Mais pour ça il faut qu’on m’explique au préalable ce qu’est un « bon » scénario.
Moi, perso, j’aurais tendance à dire qu’un bon scénario, c’est une structure narrative qui permet de servir la démarche et/ou le propos de l’auteur.
Alors – c’est sûr ! – si on considère que la démarche de l’auteur c’est juste de nous « hypnotiser » voire simplement de « coudre » une « arnaque de fil blanc » pour reprendre les termes de Sergent Pepper, alors d’accord : c’est mission accomplie.
Mais bon – on va s’efforcer de rester lucide malgré tout – dans ce genre de configuration, c’est quand-même pas bien compliqué d’écrire un scénario qui serve la démarche suivi par Lanthimos dans ce film.
En gros il suffit juste de faire un peu de roue libre vers nulle part pour que ça marche.
Pas de quoi crier à la révélation non plus hein…


Parce que bon, moi on m’en foutra autant qu’on en voudra des références à Iphigénie, à Artémis, ou à Jésus II, il n’empêche qu’il y a quand-même aussi à côté de tout ça des facilités indigentes et des éléments flottants purement gratuits dans ce scénar…


C’est quoi par exemple ce trip sur les bracelets de montre ?
Ça marche comment le pouvoir de Martin exactement ? Comment ça se fait qu’on puisse sortir des règles comme ça, quand ça arrange, comme par exemple cette idée qu’il faille sacrifier quelqu’un pour sauver tous les autres ?
Pourquoi Martin décide de se bouffer à un moment un bout de bras ?
Pourquoi Kim réclame l’usage de ses jambes à la fin ?
Et qu’est-ce que je dois comprendre du champ / contrechamp final ?


Moi je ne demande qu’à comprendre hein !
Et s’il y en a qui me dise : « ouais mais ça s’explique pas, ça se vit, ça s’éprouve… », moi j’aurais tendance à leur répondre : « OK, je veux bien, mais perso je vois pas ce qu’il y a d’extraordinaire là-dedans… Donc mollo sur les superlatifs. »


Des machins comme ça à base de décalage mystique et de références cryptiques, moi, je peux t’en rajouter autant que tu veux !
C’est tout l’avantage quand on peut écrire et faire les choses sans vraiment se soucier de la cohérence de l’ensemble : il suffit juste de faire un truc vaguement obscur et à contre-courant de ce qui est attendu pour que ça passe crème !
Et attention ! Je ne dis pas que c’est pas tripant hein…
Mais par contre je ne crie pas au génie non plus.


Moi, la seule chose que j’avance, c’est qu’il y a quand-même beaucoup de gratuité dans ce film. Beaucoup de facilités. Et surtout beaucoup de fioritures.
D'ailleurs, est-ce qu'on se prend juste deux secondes pour parler du temps total que dure ce métrage ?
121 minutes ?
C’était vraiment indispensable pour ce que ce film avait à nous dire et à nous montrer ?
Perso, je pense qu’en trois quarts d’heure on obtenait le même résultat mais en moins chiant. Parce que bon, la dernière heure, une fois qu’on a compris la mécanique assez facile que mobilise l’ami Yorgos, elle peut clairement assommer d’ennui. (Ce qui fut mon cas.)


Donc bref…
Qu’on s’amuse à se laisser prendre dans les belles images et les grosses ficelles de l’ami Lanthimos, pourquoi pas. Moi je n’ai rien à dire là-dessus.
A chacun ses petits bonheurs, aussi simples soient-ils.
(J’ai aussi les miens, donc ce n’est pas moi qui vais cracher là-dessus.)
Mais bon, qu’on ne se mente pas non plus sur ce qu’on s’enfile hein.
Assumons deux secondes au lieu de se leurrer soi-même et de leurrer les autres avec toute une flopée de superlatifs et autres sophismes.
D’ailleurs je tiens à tirer mon chapeau à Sergent Pepper qui a eu au moins le mérite d’un vrai brun de lucidité en conclusion de sa critique.
Je le cite :



Si l’on prend son film au sérieux, ce que semblait indiquer la
première direction prise par le récit, « Mise à mort du cerf sacré »
n’est pas loin de la catastrophe ; si l’on se laisse aller à savourer
son absurdité en l’honorant d’éclats de rire, Lanthimos a su, en un
sens, atteindre sa cible.



Eh bah voilà. Moi je vous laisse avec ça.
Comme quoi ça ne fait pas si mal que ça de parler sérieusement, même d’un film qui se veut ouvertement absurde.


Qu'on médite tous ça pour la prochaine fois… ;-)

Créée

le 1 mars 2020

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