Miss Oyu
7.3
Miss Oyu

Film de Kenji Mizoguchi (1951)

Le thème autour de la femme par la destinée de deux amoureux rejoint celui des Amants sacrifiés, dont la société patriarcale aura finalement raison...Comme dans la plupart des métrages du cinéaste l'homme est caractérisé entre faiblesse et volonté. Shinnosuke  (parfait Yuji Hori), contraint lui aussi aux règles sociétales, éduqué par une tante aimante mais qui le poussera à choisir l'épouse idéale, subit sa vie entre passion dévorante et mariage frustré.
Mademoiselle Oyu est assez particulier par le choix de l'actrice principale (Kinuyo Tanaka) qui apporte ce décalage physique d'une femme plus âgée, au visage moins gracieux qu'aime à filmer le cinéma japonais mais qui sert à merveille le portrait de cette femme duale. Une femme qui déchaînera la passion du jeune homme, dans l'obligation de se marier avec sa jeune sœur Oshizu (Nobuko Otowa), qu'Oyu semble convoiter, mais qu'elle ne pourra pas épouser de par sa condition de veuvage. Partageant sa vie entre son fils et la musique, passionnée de lecture de l'ère Meiji, choisissant ses kimonos avec soins telle une actrice de théâtre, elle survit à sa condition, comme détachée des enjeux sociétaux. Sûre d'elle, l'arrivée de Shinnosuke va la mettre face à une condition bien précaire.
Une femme à la fois contrainte et manipulatrice à l'instar de comportements masculins, n'hésitant pas à user de son statut de sœur aînée pour convaincre elle-même sa jeune sœur, à se marier avec Shinnosuke, pour pouvoir s'en approcher plus aisément, Oyu prend ici des airs patriarcaux sous ses dessous enjôleurs et sympathiques. Les comportements passifs, le sacrifice de la jeune sœur, ou cette relation qui semble platonique sur le long terme, peuvent laisser rêveur mais révèlent toute l'hypocrisie qui répond parfaitement à la société rigoriste que dépeint le cinéaste.


Un beau film certainement tant l'ambiance pesante, les décors géométriques de couloirs et de portes, révèlent l'enfermement. Tout en silence et violence contenue, les mouvements ralentis par les kimonos, la colère retranscrite par les seuls mouvements de retrait, les positionnements de dos, et les visages baissés, comme autant de signes d'une société qui muselle ses citoyens.


Melle Oyu ravira par tous ses plans lumineux, ses environnements bucoliques et ses grands sentiments, déroulant au fil de l'intrigue toute les drames successifs que va connaître le trio. La passion, le deuil, l'éloignement, la déchéance et la désespérance, récurrente de Kenji Mizoguchi, où Shinnosuke, seul, se perd dans les brumes vaporeuses d'une nuit de pleine lune, pour une parfaite métaphore nostalgique.
Appuyé par un noir et blanc et des contrastes parfaits, un rythme lent et des cadrages tels des tableaux, l'intrigue est soutenue par une bande sons de musique traditionnelle, conférant au métrage un aspect hors du temps.

limma
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le 1 août 2021

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