L'année dernière, je redonnais une chance au mal-aimé Femme Fatale de Brian De Palma. J'y redécouvrais un film profondément bancal mais injustement sous-estimé tant ses moments virtuoses pouvaient l'emporter sur les moins réussis. Pendant longtemps, j'ai fait un blocage sur Mission to Mars, témoin avec Femme Fatale de l'échec plus ou moins complet de De Palma à rentrer dans la modernité des années 2000. A l'heure des redécouvertes et retournements de veste, l'odyssée spatiale du réalisateur de Pulsions mérite peut-être un nouveau coup d'oeil. Bingo.

Mission to Mars est peut-être un aboutissement important de la carrière de Brian De Palma, éventuellement son dernier grand film. Le réalisateur y expose une nouvelle part de lui-même alors peu exploitée, tout en conservant les obsessions qui ont fait son succès. A la manière du chef-d’œuvre de son ami Spielberg, Rencontres du troisième type, Mission to Mars est un film orienté vers la lumière, un conte, nuançant la part d'ombre de son auteur. C'est un côté de Brian De Palma que l'on retient peu, et pourtant présent dans nombre de ses films enclins à mettre en scène la beauté de l'image avec une certaine poésie.

Son "il était une fois...", il l'ouvre sur un traditionnel long-plan comme il en a désormais le secret depuis longtemps. Dans une telle exposition classique, on peut tout de même se demander où est-ce que De Palma existe, passé sa virtuosité derrière la caméra. Très rapidement, il met en place les enjeux relationnels des personnages ainsi que le trauma du héros, Jim. Le nœud du film se dessine. Mission to Mars évolue par la suite sans superflu, sans perte de temps, ellipsant les passages que De Palma juge inutiles au récit. Le côté condensé pourrait éventuellement porter préjudice au métrage, mais est la garanti d'une efficacité de bout en bout.

Lors de la découverte de la planète rouge, fidèle à lui-même, De Palma y insuffle l'ambiance des films de genre chère à son cœur. Il règne autour de Mission to Mars une aura mystique, définitivement surnaturelle et aux allures horrifiques : une nouvelle manière de recouper Rencontres du troisième type. Les phases spatiales sont pour lui l'occasion de s'affranchir de bien des limites imposées par les environnements plus traditionnel. Ici, le plan maniéré est roi, De Palma joue avec son décor comme sans précédent. Le voyeurisme typique du metteur en scène prend une autre dimension, observer et être observé se joue à travers un élégant rapport entre les personnages et l'espace. A noter qu'à plus d'une reprise, on remarque des plans dont Alfonso Cuarón s'est largement inspiré pour Gravity.

La seconde moitié propulse le film dans une autre dimension, à l'issue osée et imprévisible. C'est sans aucun doute là que Mission to Mars a (hélas) perdu l'adhésion du public. Pourtant De Palma va au bout de ses ambitions pour conclure de la plus belle manière qui soit une superbe odyssée. A l'heure de la modernité et de ses grosses productions aux enjeux terre à terre et sombres, Mission to Mars, dans le même esprit que le également mal-aimé A.I. de Spielberg, se tourne vers le beau et le naïf, sous un regard bienveillant. Le conte est par ailleurs mis en valeur par la composition opératique d'Ennio Morricone, peut-être une de ses plus belles partitions. C'est peut-être là qu'on se rend le mieux compte de l'ambition incroyable de Mission to Mars.

Quelque part il faut être prêt à accepter l'audace de Brian De Palma et son invitation cinématographique. C'est le meilleur moyen de profiter du potentiel fabuleux du film, tout en fermant les yeux sur ses petites incohérences techniques ou encore un casting qu'on aurait sans doute voulu plus affirmé malgré la présence toujours agréable de Tim Robbins. C'est un film de science-fiction beau et singulier comme on en voit peu, mais il faut croire que Mars n'est définitivement pas une planète porte-bonheur, John Carpenter et Andrew Stanton en attesteront également...

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le 13 oct. 2014

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Lt Schaffer

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