Comment est-ce possible ? Comment à seulement 25 ans, peut-on écrire, réaliser et penser de a à z un film qui touche à ce point à la perfection ? Ce mec est clairement un surdoué du cinéma. Mommy c'est une succession de scènes très légères, voir même carrément drôles, de scène tragiques, voir même bouleversantes ... et de scènes simplement belles, sans forcément beaucoup de réflexion derrière, juste belles pour ce qu'elles sont.


Une mère Diane élève seul son fils Steve atteint de TDAH (Troubles du Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité) et rencontre les plus grandes difficultés dans cet exercice. En effet, le rejeton est "en apparence" un sale gosse délinquant, hyperactif, imprévisible et instable ... et pour tout dire, carrément irrécupérable. Steve n'arrive pas à gérer ses émotions, il répond toujours par la violence. Il n'épargne d'ailleurs pas sa maman, mais un amour fusionnel lie ces deux âmes paumées. Diane elle, est une mère belle et provocante, mais attire les hommes, le genre de femme que les autres femmes mariées détestent. Ce sont deux personnages extrêmes et leurs affrontements sont d'autant plus violents (et récurrents), même si on sent qu'ils s'aiment profondément. Enfin, Kyla une voisine totalement introvertie et en état de frustration latente, va contre tout attente se joindre à eux. Elle va trouver là un épanouissement qu'on ne saurais expliquer au premier abord. Finalement, les oppositions se renforcent pour former un trio très unis, formant une bulle de bonheur au milieu de ce drame.


Le film est porté par un trio de personnages et d'acteurs, forts et ultra touchants. Steve (Antoine-Olivier Pilon) et Diane (Anne Dorval) s'aiment, mais la maladie de Steve emporte tout sur son passage. Malgré la violence parfois dérangeante entre ces deux êtres, je n'ai jamais vu une aussi belle relation d'amour entre une mère et son fils dans aucun autre film. Kyla (Suzanne Clément) est aussi un très beau personnage, on la sent brisée par quelque chose que l'on devine, mais qui ne sera jamais révélé dans le film. On peut en déduire le traumatisme qu'elle a subit dans bon nombres de plans du film, mais il faut bien y porter attention. La profusion d'accessoires, les décors et les costumes donnent beaucoup d'information sur les personnages, le langage cru du duo Steve - Diane et le bégaiement de Kyla ... tout ça donne beaucoup d'épaisseur aux personnages et permet de dire ce qui n'est pas dit.


Les cadres, la mise en scène, la photo et les couleurs, les décors et les costumes ... la réalisation totale de Xavier Nolan touche à la perfection. Le format carré du film est une franche réussite et n'est pas seulement un choix esthétique. Son utilisation est parfaitement justifiée ici et dépasse le pur gimmick formel, pour assumer une réelle fonction narrative, celle de personnages enfermés dans un cadre serré. Le cadre sert à renfermer les personnages, un peu pour les étouffer ou pour les coincer. D'ailleurs il y a une longue scène où le format s'écarte pour prendre tout l'écran, comme un rêves éveillé, donnant un sens encore plus fort au choix du cadre. Concernant les choix musicaux, les pastilles musicales insérées par le réalisateur donnent beaucoup de poésie à l'ensemble et va au delà de l'hommage pop culturel. C'est incroyable de voir toutes les émotions que peut faire ressentir un film, uniquement à travers sa réalisation. On passe vraiment par tous les états dans Mommy : La joie, la tristesse, la colère, le sentiment de liberté, celui de l'abandon, la confusion, le bouleversement ...


Certains spectateurs trop bousculés par le film, lui trouveront certainement des défauts. Diane et Steve n'ont de cesse de s'invectiver dans un langage plus que fleuri et tout ça baigne dans une hystérie totale qui "je peux le concevoir" va en fatiguer plus d'un. Plus de deux heures de ce jeu d'attraction/répulsion peut se révéler épuisant et même pénible à la longue ... mais voilà, moi j'adore et j'en ressorts le souffle coupé.


Mommy est magnifique et si je peux comprendre qu'il ne puisse pas plaire à tout le monde, j'ai rarement ressenti autant d'émotions entremêlées devant un film, de la joie et de la tristesse, de la peur et de la colère ... tout un tas de vraies émotions à démêler pour un film indéfinissable et beau, simplement beau.

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le 21 nov. 2021

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lessthantod

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