Ca y est, il la tient sa sélection cannoise, le petit Xavier ! Lui qui, au temps des Amours Imaginaires, s’était insurgé, vénère comme tout de ne pas compter parmi l’élite de la Croisette.
Mommy est déjà son 5e long métrage à à peine 25 ans, et dépeint l’intimité d’une mère et son fils, Steve. Ce dernier, constamment agité et parfois violent retourne vivre à la maison, loin du centre d’accueil qui refuse désormais de le prendre en charge. Le binôme sera vite complété par Kyla, une voisine qui trouvera dans ces personnalités déchainées un palliatif à sa morosité.
L’ouverture du film surprend par son format (écran d’iPhone + Instagram) nous questionnant plusieurs minutes sur les compétences du projectionniste… Passé l’étonnement, on comprend là qu’il y a chez le jeunôt canadien une volonté de nous imposer, et de s’imposer à lui-même une contrainte des plus déroutantes. Le démarrage est en cela réussi, la mise en scène réussissant sur un espace post-it à rendre compte de l’intensité des personnages. Engloutissant le cadre, Steve et sa mère gueulent, pleurent, rient dans une énergie volcanique, plus puissante que jamais chez Dolan.
Mais tristesse lorsque le procédé, auquel nos yeux s’étaient habitués, tourne au gadget : le héros tire sur les deux bords de l’écran, qui soudain s’écartent pour laisser place au 16/9. Le format de l’écran n’a donc qu’un usage symbolique rendant compte de l’état d’esprit des personnages de Mommy. Pire, Dolan semble prendre son spectateur pour un idiot au point de lui marteler par ce biais les évidences narratives.
L’utilisation, encore plus omniprésente qu’à l’accoutumée chez Dolan de musiques extra-diégétiques (ajoutées au montage) pour appuyer ENCORE les situations, les sentiments et sensations dénote à nouveau d’un manque de confiance du réalisateur envers ses personnages. C’est également là, à l’instar de la scène de chant/danse de Sciamma dans Bande de Filles sur Diamonds (de Rihanna) un nouvel exemple de mise en scène poudre aux yeux, assez fastoche mais assez ringarde, fonctionnant très bien auprès des festivaliers les plus crevés, mais qui, lorsqu’on y réfléchit de plus près, s’apparente à un investissement compulsif à la SACEM avec garantie frissons.
Alors comment a-t-on pu proclamer aussi rapidement Dolan cinéaste, quand celui-ci n’est qu’un habile concepteur de sensations éphémères ? Si le garçon a clairement du goût en matière de couleurs, de formes et de textures – la façon de regarder le tombé d’une robe, le rouge à lèvres laissé sur le bout d’une cigarette – Mommy atteste de son incapacité totale à penser l’image et le son en tant discours cinématographiques.
A coups de chocs visuels fluorescents, de musiques casse-oreilles et de ralentis poussifs, il s’imagine transmettre une émotion, une vérité sur l’état intérieur de ces personnages. N’aboutissant à rien d’autre qu’à un gâchis caricatural se voulant signature d’auteur, il ne réussit au contraire qu’à montrer au grand jour son immaturité filmique, son absurde confiance en lui (5 films à 25 ans, le mecs gagnerait certainement un jour ou l’autre à être remis à sa place) le poussant aujourd’hui à présenter un film vide de complexité et d’originalité en sélection officielle.
Pourtant, il y a quelque chose à tirer de ces obsessions, si tant est qu’elles soient bridées, secouées, que quelqu’un daigne pousser l’habile faiseur d’images québécois dans ses retranchements, en l’empêchant de se disperser dans d’inutiles artifices, fausses bonnes idées de film à festival.
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