Une fois que vous avez gobé une idéologie autoritaire difficile de comprendre les révoltes autonomes. Comme celles des GJ, elles n'ont pas de chefs, pas d'idéologies, elles sont spontanées, auto-organisées et sont un concentré de révoltes contre les oppressions constitutives au patriarcat, au capitalisme autoritaire, au racisme, au classisme, au néocolonialisme etc.

Pourtant ces révoltes sont à la base de toutes luttes sociales, de tout projet pour une société émancipatrice. Et c'est un impensé pour qui croit en l'état et en l'autorité pour apporter liberté et égalité. C'est ainsi que les partisans anticapitalistes pensent que la conquête du pouvoir est LE moyen de construire une société égalitaire.


Et ce qui ressort de ce magnifique documentaire contre la résignation que Guzman a produit, c'est que comme bons nombres de petits bourgeois intellectuels de gauche, il est étranger aux révoltes autonomes (peut être le peur de perdre ses privilèges s'ils en rendaient vraiment compte via ses réalisations?).

Du coup les parallèles avec Allende sont déplacés. Oui c'est le même pays et les mêmes cris contre l'injustice mais ce n'est pas la même méthode ni la même époque.

Et ce serait un peu exagéré d'y voir une révolution sociale. Oui ces mouvements sans chefs sont un terreau fertile à la révolution sociale mais ils ne sont pas suffisants. C'est avant tout une révolte autonome anti-autoritaire où la convergence des luttes et la rage contre l'injustice ont finalement été récupéré par la gauche du Capital avec Gabriel Boric. Évidemment ça ne mène nulle part (refus de la nouvelle Constitution) et ça ne fait que ralentir la marchandisation du monde. Mais cette révolte a permis de politiser pas mal d'opprimées et, de part son ampleur dans le berceau du néolibéralisme autoritaire, c'est une véritable source de joie et d'enthousiasme pour tout anticapitaliste qui se respecte. A suivre.

Croire que le changement viendra du pouvoir c'est se leurrer sur la nature même du pouvoir et des intérêts en présence. La bourgeoisie chilienne a certes lâché quelques miettes et cela démontre une énième fois que seule la lutte paye mais s'arrêter en si bon chemin après avoir permis à quelques carriéristes gauchisants de récupérer la mise serait une grossière erreur de stratégie.

Guzman ne tombe pas vraiment dans le piège en se concentrant sur les acteurices de la révolte et en montrant avec brio les imaginaires que ces luttes ont ouvertes.

De plus c'est de la salubrité publique de montrer la barbarie illimitée de l'état envers celleux qui sortent des rangs et de rappeler que la classe dominante n'a strictement rien à faire des injustices et préfèrera toujours fermer les yeux lorsque des pauvres crèvent, voir même leurs crever les yeux tacitement s'ils ne le font pas en silence !


Et du coup j'ai vu ce documentaire comme une preuve que la résignation a ses limites et qu'on finit toujours par se révolter contre l'injustice. En ça c'est une véritable vent de fraicheur et d'espoir pour l'avenir. Mais on sent qu'il a encore été produit avec l'idée que la gauche pourrait sauver le peuple, que la conquête du pouvoir était la chemin de la révolution. Malgré tout, et c'est aussi ce que j'ai apprécié, c'est que Guzman laisse place au doute et à la force de l'imaginaire collectif pour changer la société. Du coup j'en ressors heureux mais un peu blasé car c'est un peu décousu, on ne ressent pas de fil directeur entre les différents interviews qui peuplent le film. Mettre le focus sur la diversité des tactiques aurait peut être pu donner une consistance à ce rêve de révolution sociale qui transcende le documentaire.

Mais bref, Guzman n'est pas un révolutionnaire c'est un réalisateur, un intellectuel de gauche, donc on ne va pas lui jeter la pierre, on va la garder pour les bourreaux au pouvoir et leurs laquais.


Bref à voir ! Juste parce qu'il donne la pêche ! Et rester attentif à ce qui se passe au Chili (guetter les trahisons inévitables de la gauche du Capital pour mieux s'en prémunir) mais si la question de la révolution sociale et des mouvements anti-autoritaires vous passionne, vous n'apprendrez pas énormément.


Anarkiss666
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le 30 janv. 2023

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