Monsieur Coccinelle, Bernard-Deschamps


Film loufoque et drôle, jouant sur l’absurde, sur le rêve, et sur la mesquinerie. On fortifie des plantes avec de la vitamine D, à Béton sur Seine, on parle avec des oiseaux imaginaires, et avec un chat empaillé, tandis que la cuisinière écrit dans sa cuisine : « Jule m’a embrasé sur la bouche cé la première fois, ça a fai come quan une casrol tombe sur ma tête » (Mes Mémoires, par Rosalie).

Madame Coccinelle est une bonne ménagère (c’est ce que dit Monsieur), autoritaire, un peu méchante, qui domine son mari. Monsieur Coccinelle est un fonctionnaire à barbichette qui paie ses impôts en retard. Nénette et Loulou sont leurs enfants, mais on ne les verra pas, ils sont en colonie. Et il y a Ernst, qui est de passage avant de repartir aux colonies. Tous, sauf Madame Coccinelle, rêvent : Tante Aurore à son illusionniste, qu’elle n’a pas pu épouser, Monsieur C à son cèdre du Liban, et son ami Ernst a quitté l’épicerie familiale à cause des étiquettes sur les boites de conserve, bariolées de paysages exotiques, et surtout de la belle Martiniquaise sur la bouteille de Rhum. Rêves simples et confinés d’une petite bourgeoisie un peu bête et étriquée…

« L’infini… trop grand pour l’homme ! Rien ne vaut ta maison, ton jardin, ton cèdre du Liban », dit Ernst, revenu d’une vie tout aussi étriquée dans les colonies. Gros plan alors sur l’eau du caniveau, absurde métonymie pour figurer le rêve d’aventures d’un petit fonctionnaire dont la vie est rythmée par les horaires de bureau. Vies faites de petits riens, vouées à l’absurdité, filmées sans méchanceté et avec une certaine poésie, avec de beaux mouvements de caméra, très simples, discrets, et surtout un bel usage du gros plan – pour insister parfois sur la dimension fétichiste de cette petite bourgeoisie, mais aussi à des fins humoristiques : par exemple dans le café, après la mort de Tante Aurore, sur une carte de visite, « Toudoux, art funéraire. Sécurité et poésie », ou sur une autre encore, « Pesto Pompes funèbres, confort et rapidité », et, sur une pancarte, « Fanfare des Tourniquets », sur une autre, « La mort des cors. Pedis-Pédicure ».

Humour toujours et aussi incroyable sens de l’absurde, quand par exemple les fonctionnaires entrent à la queue-leu-leu, vestons noirs et chapeaux melons, dans leurs bureaux, ou dans la scène des femmes venant rendre hommage à la morte qui, groupées, se massent pour attraper une mouche (gros plan sur la mouche), ou encore des cousins pédalant sur un tandem et portant une couronne de fleurs, sur un chemin de campagne, passant devant une vache (on frôle le burlesque). Et il ne faut surtout pas oublier la scène où Monsieur Coccinelle monte dans la chambre de la défunte : on frôle là le fantastique, entre maison hantée et fétichisme des objets.

Enfin, pour ne rien dévoiler, le mot de la fin : les coccinelles ont des ailes et parfois elles s’en servent. Quant à ressusciter, c’est antifamilial ! Et le final est tout de fantaisie.

finisterrae
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le 24 nov. 2022

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