Monsieur Link
6.6
Monsieur Link

Long-métrage d'animation de Chris Butler (2019)

Ah… Ah bah…
Ah bah c’est juste triste quoi !
Quand on pense à la performance humaine que représente le fait de réaliser tout un film en stop-motion, c’est vraiment désolant de constater à quel point ce sixième long-métrage des studios Laika est… fade.


Alors oui – c’est vrai – encore une fois c’est très joli et on s’en met vraiment plein les yeux.
Décors peaufinés, paysages variés, animations subtiles…
Seulement voilà, tout ce savoir-faire a finalement été mis au service de pas grand-chose si on y regarde bien. C’est terrible à dire mais, moi, face à ce « Monsieur Link » je suis vraiment resté de marbre de la première à la dernière minute, attendant que le film vienne me chercher… en vain.


En le voyant, j’avais vraiment l’impression de me retrouver face à un production « Illumination » ; c’est-à-dire une production qui n’est pas là pour dire / exprimer / transmettre quelque-chose, mais bien une production qui est juste là pour occuper le terrain en faisant tourner la machine avec ce qu’ils estiment être les attentes du public.


Chaque élément amené par ce film a l’air tout droit sorti d’une to-do-list.
« Alors il faut de l’aventure parce que les enfants ils aiment bien l’aventure. Et puis une grosse bestiole marrante qui fait des trucs un peu stupides, parce que les enfants aussi ils raffolent de ça. C’est tellement con un enfant… Il faut aussi un méchant, sinon on va s’ennuyer. Et puis un personnage féminin pour ne pas se fermer certaines tranches du public. Et n’oublions pas une morale très corporate à la fin hein, parce que les parents ils veulent ça une morale… »


En fait, j’ai vraiment l’impression que le seul élément dans lequel les gars et les nanas des studios Laika se soient éclatés, c’est dans les décors.
Il y a un tel goût du détail dans chacun de ces paysages que j’en viendrais presque à me demander si au final tout ne serait pas parti de là.
« Bon alors les gars, maintenant qu’on a fini "Kubo" on fait quoi ?
– Pour l’histoire je sais pas, mais moi je prendrais trop mon pied si on était amené à faire des intérieurs victoriens !
– Ah merde ! Moi non plus j’ai pas d’idée pour l’histoire mais j’aurais grave kiffé si on était partis sur un truc avec des villages de l’Ouest sauvage !
– Roh non ! Moi j’étais carrément plus partant pour des cités enneigées et tout le toutim !
– Bon, vous énervez pas les gars. Ce qu’on va faire c’est qu’on va partir de toutes ces idées là et puis on va réfléchir à comment justifier le tout par une histoire… »


Franchement, j’ai du mal à voir comme la chose aurait pu se passer autrement.
Parce qu’au fond, cette histoire, elle n’a vraiment aucun relief.
Tu sens que c’est une purge pour les auteurs. Elle met d’ailleurs des plombes à se développer. Quand on sait que le film s’appelle « Monsieur Link » et qu’il faut attendre vingt minutes avant de voir ledit Monsieur Link, c’est quand-même long. C’est surtout très long quand on se rend compte à quel point cette phase d’exposition s’est révélée pauvre et linéaire.


Et le reste du film est malheureusement du même acabit.
Les scènes se multiplient et se répètent sans que rien n’évolue vraiment.
Les situations sont figées ; seuls les décors changent.
Tout un symbole de ce naufrage narratif : l’humour et le propos.
Le premier est la plupart totalement déconnecté de l’intrigue, se limitant qu’à du simple burlesque très bas de plafond et surtout vraiment répétitif. Quant au second, il met énormément de temps à se révéler, aboutit sur quelque-chose de très poussif et consensuel, mais parvient malgré tout à se prendre régulièrement les pieds dans son propre tapis.


Entre sa gestion des symboles et la place assez désastreuse qu’occupent les rares personnages féminins dans cette intrigue, ce « Monsieur Link » touche régulièrement le fond. Du coup, c’est malheureusement presque sans surprise que j’ai assisté à une conclusion aussi prévisible que poussive.
Jusqu’au bout, ce « Monsieur Link » n’aura décidément rien eu à proposer et à dire.


Alors oui, OK, d’accord, il y a eu des beaux décors et c’est quand même très louable de faire des films en stop-motion. Il n’empêche qu’au bout d’un moment, il faut aussi savoir se poser les bonnes questions. Pourquoi on a décidé de faire un film ? Si la seule motivation des studios Laika, à un moment donné, c’est de faire de jolis décors, alors dans ce cas qu’ils ouvrent en parallèle une association de modélistes !


Laika est tellement capable de faire bien mieux !
Ses dernières productions en attestent. Espérons donc que lors des prochaines discussions du studio, on saura à nouveau parler d’histoire, de personnages et de propos autrement qu’au travers d’une simple to-do-list sans âme.
Après tout, tout le monde sera content, eux comme nous.
Alors croisons les doigts…

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le 21 avr. 2019

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