Avec la fille qui hante le ventricule gauche de mon coeur en me laissant l'autre moitié, nous allons au cinéma en choisissant à tour de rôle le film. (À tour de rôle signifie qu'elle refuse gentiment mes films à la con en acceptant de temps en temps pour faire passer la pilule et que je cède à ses propositions malgré une mauvaise volonté affirmée jusqu'à l'achat du billet). Et ce film fut sûrement ma plus grosse erreur. D'une part parce que je l'ai fait poireauter deux semaines en émettant l'idée d'aller voir Logan plutôt que j'attendais depuis longtemps, ce qui m'a valu ensuite des tas et des tas de "On va voir M. et Mme. Adelman ?" et d'autre part car j'ai sans nul doute été tellement traînant des pieds qu'elle m'a avoué après coup avoir failli céder au fait de ne pas y aller. Ç'eût été très con.


Oui, j'y suis allé en m'imaginant voir la pire daube du siècle, style L'amour dure trois ans (moi aussi j'avais oublié ce film avant d'écrire cette phrase) avec comme argument "Le fils de Guy Bedos qui échoue déjà à me faire rire+une miss météo de Canal+le fait qu'il réalise et joue en même temps, ça sera de la merde tu verras". J'en suis sorti conquis, mais vraiment. Quand je vais voir un film en sentant qu'il sera daubé, je me trompe rarement. Quand je vais voir un film dont j'attends beaucoup, je suis souvent déçu. Quand je suis allé voir ce film en n'en sachant rien du tout sinon le titre et que j'en suis ressorti, je me suis senti très con. Je suis sorti de la salle, elle m'a regardé en souriant d'un air interrogateur et j'ai pas pu m'empêcher de regarder mes pieds en marmonnant un "ben moi ça m'a beaucoup plu." Elle n'en revenait pas, visiblement très heureuse que ça m'ait plu -sans aucune marque de triomphe sur ma fermeture d'esprit- et nous avons ensuite discuté du film sur le chemin du retour.


On suit donc la vie de Victor et Sarah, avec pour prétexte l'interview de cette dernière tout juste veuve par un biographe jeune qui fait dans le cliché du journaliste timide à lunettes. Je ne vous en raconterai pas plus, déjà parce que ça n'aurait aucun intérêt et que tout le film se résume au titre, de manière étonnamment subtile, allez le voir, ça vaut le coup.


Oui, il y a des défauts, certains dialogues sonnent un peu creux ou trop ampoulés au contraire, ça oscille entre le "Pourquoi ils ont laissé ça dans le script ?" et le "Outch, ça m'a sorti de la scène" mais c'est au final assez rare, ou du moins ça se noie dans le reste. C'est un premier film donc ce sont des défauts que je pardonne, comme le jeu d'acteur qui sonne parfois assez peu naturel (notamment les scènes revenant à l'entretien entre Sarah et le journaliste) mais honnêtement, ça se marie bien dans l'ensemble.
Il y a des scènes cyniques, drôles, émouvantes, qui donnent envie de rire, de pleurer, de faire l'amour, d'écrire, de jouer à colin-maillard en Bretagne et de fumer des cigarettes en tapant à la Remington. Bref, ce film nous fait passer à travers pas mal d'émotions différentes et qu'est-ce qu'il le fait bien. Dans ces scènes-là, le jeu est juste, l'écriture arrive à donner une profondeur aux personnages, même si ceux-ci sont souvent des clichés, ils ne se contentent pas de ça et nous avons là des personnages ayant chacun leurs particularités.


Le dernier tiers est sublimement bien fait et a fini d'achever mon esprit obtus déjà bien entamé par le reste du film. On note par moments des expériences de caméra, de jeu, bref, on sent que Bedos fils tente des trucs et y va et ça fait du bien, ça rafraîchit et ça donne souvent une nouvelle impulsion au film qui lui permet de ne jamais s'endormir sur une longueur ou un moment trop cliché.


Je n'ai pas vu la bande-annonce, je n'ai vu aucune des interviews, j'ai juste vu le nom du réalisateur et de l'actrice principale et m'en suis détourné immédiatement, et mon dieu que j'ai bien fait !

Jacottin
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le 27 mars 2017

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Jacottin

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