Là plupart du temps, ma bonne appréciation d'un film se fait quand je suis au diapason avec lui, quand je suis dans le même mood.
Je dis "là plupart du temps", car il m'arrive que par certaines volontés, je regarde un film dans des conditions que je jugent très précaires, voir qui nuisent à mon expérience cinématographique.


Je voulais voir pour la première fois Morse en hiver. Je voulais voir ce film âpre, hivernal, et froid enroulé dans un drap chaud, face à l'omniprésence de mon écran de projo. Être harassé de fatigue par une journée d'études, et me reposer le soir face à deux enfants qui découvrent leurs liens dans un monde lui aussi est sans espoir, entre deux lumières émanantes de poteaux électriques. Être tout aussi gelé par la photographie lacrymale du film, ressentir chaque flocon de neige qui tombe au sol. Sentir aussi chaque crot, chaque morsure, frissoner à chaque apparition de ce terrible rouge sang, et me dire que finalement, je pourrais me faire moi aussi mordre par quelque chose en mal d'amour au détour d'une rue.
Égoistement, je voulais voir ces adultes fuir leurs misères, cet enfant subir son calvaire, cette fille sortir de cette malédiction, et sentir ces moments d'épouvantes qui prennent aux tripes tout comme je pouvais l'avoir moi même subit.


Malheureusement il faisait chaud quand je vis pour la première fois Morse. On était en été, ma mère dormait à l'étage, ma soeur profitait de la piscine d'une de ses copines, et j'étais dans mon salon fenêtres fermées pour empêcher toutes lumières d'entrer. La tentation était trop forte : j'avais acheté le steelbook sur un coup de tête deux semaines plus tôt parce que je trouvais la jaquette incroyable, et aussi parce que je ne savais quoi voire.


J'avais peur de ne pas être avec le film parce que tout autour de moi était dans l'éventualité de m'y en sortir, dans l'extrême opposé de l'ambiance qu'il donne au spectateur : un pessimisme radical qui laisse entrevoir un amour hors-norme.
Cette idée préconçue que je m'étais faite fut fausse dans le cas de Morse, tu l'auras compris chère lecteur : Le film fut plus fort que la saison, plus fort que la chaleur accablante. Ce film est l'un des rares qui m'a transporté dans son univers pour me proposer un peu de son temps.
Parce que c'est ça finalement le cinéma. Proposer à son spectateur de rattraper le temps perdu.
J'arriverai à voir un jour Morse en hiver. Mais je saurai que je n'ai pas non plus besoin de ça pour apprécier ce merveilleux bijou glacé.

CorentinGhibaudo
9

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le 2 août 2019

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