Du manque d'"elle" à l'"L" retrouvé

Mr Ove. Si l'on renverse les barrières linguistiques et que l'on laisse résonner l'écho latin de ce patronyme - "ovum", l'œuf -, surgit la figure du personnage éponyme, soixantenaire massif récemment veuf et bientôt licencié, refermé sur ses habitudes - la visite quotidienne à la tombe de sa femme, seul être auquel il adresse des discours un peu développés -, replié sur ses compulsions - ses rondes tâtillonnes dans le district pavillonnaire dans lequel il réside et dont il fut syndic -, enclos dans ses phobies - ses tentatives aussi répétées que vaines pour faire fuir le chat qui s'obstine à se trouver constamment sur son chemin...


Le réalisateur suédois, Hannes Holm, n'hésite pas à recourir à certains clichés ostensiblement soulignés, tels que l'approche de la mort et le flashback qu'elle est censée provoquer, mais cet artifice lui permet de s'enfoncer dans le portrait du personnage, de découvrir une vie qui fut belle et gonflée d'amour, même si les entailles infligées éclairent sur l'installation progressive d'une amertume. L'épouse disparue n'est plus réduite à une photo souriante et à un nom gravé accompagné de ses dates d'entrée et de sortie dans l'existence ; l'irrésistible, l'incroyablement vivante Ida Engvoll ravit le spectateur et lui fait partager le scandale de sa mort. Parallèlement, de pendaison ratée en asphyxie manquée, le personnage principal se retrouve incarcéré dans un quotidien qui ne veut pas le lâcher et qui s'agrippe de plus en plus fermement à lui. Ainsi de nouveaux voisins d'abord vécus comme importuns et insupportablement envahissants vont constituer progressivement autant de liens arrimant le vieil homme à l'existence et le réconciliant avec elle. Si bien que, lorsqu'il plaira à la mort de trancher soudainement ces amarres, la disparition sera véritablement vécue comme une perte.


C'est ce prodige qu'aura réussi ce film : opérer un retournement complet, mais insensiblement, par un soulignement patient du miracle que constituent les liens humains. Réconcilié avec leur force, le bourru antipathique des premiers plans est devenu, lorsque la lumière revient dans la salle, un authentique Mr Love...

AnneSchneider
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le 16 sept. 2016

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Anne Schneider

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