De Joseph Mallord William Turner (1775-1851), je ne connaissais que les toiles de la National Gallery et de la Tate à Londres... mais n'est-ce pas là l'essentiel: le rapport entre le spectateur et la toile, l'impression, la réaction, le choc visuel ? tout le reste devient superflu: le pourquoi et le comment... Dans ce "biopic" européen un brin trop long (2h30), Mike Leigh essaie de percer le "mystère" Turner en se focalisant sur les 25 dernières années de sa vie (même si la chronologie du film est aussi vaporeuse que les dernières toiles du maître anglais).
Timothy Spall est possédé par le personnage, je ne savais pas grand chose de l'homme (je croyais même au début qu'il s'agissait d'une caricature éhontée!): le physique ingrat, la mise négligée et presque sale, "Billy" était avant tout un londonien à l'accent "cockney" prononcé, issu du milieu ouvrier. Il est presque asocial... proche de son père avec qui il vit et de la gouvernante quasi mutique avec qui il entretient un rapport trouble.
A la fin de sa vie, le maître retrouve une certaine joie de vivre aux côtés de l'émouvante madame Booth, deux fois veuve, se coupe du monde de l'art (galeries, vernissages, mécènes aisés) mais continue inlassablement à esquisser, dessiner et peindre la lumière.
La lumière devient l'obsession de Turner, comme il le dit sur son lit de mort: sun is God. Raillées par le public, ses pairs et la jeune reine Victoria, ses dernières toiles sont des paroxysmes de couleurs (jaune, rose, bleu) et de lumière. Ces paroxysmes requièrent de la part du peintre un égal paroxysme technique.
Ce paroxysme se traduit dans la beauté plastique du film, la photo est à tomber: par exemple les plans du "dernier voyage du Téméraire" sont simplement féeriques presque artificiels. Le peintre est témoin de la mise "à la retraite" du célèbre bateau en 1838 lors d'une promenade sur la Tamise. Il en tirera l'un de ses chefs-d'oeuvre.
Le film n'est pas exempt de défauts: son rythme souvent contemplatif frise un peu la léthargie par moments, c'est bien dommage, avec 20 minutes de moins, le métrage aurait gagné en qualité. Il faut être un passionné de peinture pour suivre les épisodes d'une vie pas très glamour mais qui explose lors des scènes de création, de "compétition" avec les autres artistes de l'époque dont John Constable qui appréhende la représentation du paysage vraiment différemment.
Casting britannique très bon et photographie sublime.

nate6691
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le 6 juin 2015

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