Mud - Sur les rives du Mississippi par Basile Rambaud

Dans une Amérique profonde, presque intemporelle, celle des motels miteux, des parkings de centres commerciaux où se réunissent le samedi soir les jeunes du coin, des zones industrielles presque désaffectées, du chômage et de la pauvreté chronique, Jeff Nichols raconte l’histoire d’une amitié entre deux gamins et un marginal, délinquant au grand cœur, sublime clochard, campé par un Matthew Mc Conoghey étonnant. En effet, on avait plutôt l’habitude de le voir en jeune premier dans des comédies romantiques bas de gamme, jusqu’au dernier Friedkin, où l’on commençait à comprendre que cet acteur avait certainement été sous-exploité tout au long de sa carrière. Mud nous montre qu’effectivement son talent a souvent été gâché.
Le film nous fait souvent penser à « Stand By Me » en tant que film d’apprentissage, de passage de l’enfance innocente, à la réalité des sentiments adultes. On y retrouve également du Clint Eastwood, de par le rythme, la manière délicate de poser le décor, de décrire minutieusement ses personnages, leurs complicités improbables et leurs obsessions de la recherche de la figure paternelle (Million Dollar Baby, Un Monde Parfait, Gran Torino…). La tendresse dont fait preuve Nichols pour ses personnages est également particulièrement touchante, on les aime, on refuse que le destin tragique qui semble les poursuivre s’accomplisse.
Nichols nous avait déjà impressionnés avec « Take Shelter », il confirme qu’il est un réalisateur de talent avec Mud. D’ailleurs l’atmosphère pesante de son premier film est également perceptible dans ce film, le ciel est souvent gris, le temps parait lourd, l’orage n’est pas loin d’éclater, conférant à Mud, une certaine tension sourde, mais qui ne réussit pas à l’emporter sur l’impression de sérénité générale qui enveloppe l’œuvre. Filmé sur un rythme lent, apaisant, contemplatif, Mud plante son décor et construit son intrigue doucement, s’étire tel le Mississipi, élément central du film, les personnages s’étoffent, l’intrigue se noue paisiblement jusqu’à la scène finale, toute en tension retenue. Film d’une beauté formelle, au sens noble du terme, l’Amérique profonde est magnifiée par la caméra de Nichols. Un classique.

BasileRambaud
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2013

Créée

le 6 sept. 2015

Critique lue 210 fois

Basile Rambaud

Écrit par

Critique lue 210 fois

D'autres avis sur Mud - Sur les rives du Mississippi

Mud - Sur les rives du Mississippi
Lilange
8

Stand by Mud

Dear Jeff, Je suis tombée tardivement dans les méandres de tes pellicules poussiéreuses, et je m’en excuse humblement. Après tes histoires de familles dans Shotgun Stories et ton immersion...

le 12 juin 2016

78 j'aime

6

Mud - Sur les rives du Mississippi
Strangelove
9

Un coup de cœur au naturel.

C'est mon premier Jeff Nichols. Et je m'en souviendrai. Moi qui voulais à tout pris commencer par Take Shelter, je me suis finalement régalé avec cette histoire magnifique mêlant une multitude de...

le 30 juin 2013

68 j'aime

10

Mud - Sur les rives du Mississippi
Hypérion
7

Mississippi & passions

Mud, c'est un film visuellement impeccable, qui invite avec une maestria rare à se plonger dans la torpeur boueuse des rives du Mississippi. Si vous avez comme moi été bercé par les histoires de Tom...

le 10 févr. 2014

66 j'aime

7

Du même critique

A Ghost Story
BasileRambaud
8

Tant que l'homme sera immortel, il ne sera jamais décontracté

En cette fin d’année, propice aux bilans cinématographiques et aux traditionnels classements, il s’agirait dans ces exercices de ne pas oublier « A Ghost Story ». Car oui, 2017 ne saurait se conclure...

le 18 déc. 2017

2 j'aime

1

Amour
BasileRambaud
7

Critique de Amour par Basile Rambaud

Hanneke est un pervers. Ca on le savait depuis un moment et notamment depuis l’excellent « Funny Games ». Si en apparence, il s’est assagit avec le temps, « caché » ou « le ruban blanc » étant des...

le 6 sept. 2015

2 j'aime

Alabama Monroe
BasileRambaud
8

Critique de Alabama Monroe par Basile Rambaud

Étrange mariage entre « La guerre est Déclarée » et « O’Brother », Alabama Monroe est le premier film américain de Felix Van Groeningen, réalisateur de «La Merditude des Choses ». Ah bon ? Ce film...

le 6 sept. 2015

1 j'aime