Mute
5.2
Mute

Film VOD (vidéo à la demande) de Duncan Jones (2018)

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Depuis un bon nombre d'année en projet, l'attente autour de Mute s'amplifiait progressivement. Et si de sérieux doutes quant à sa sortie se faisaient sentir, c'est finalement sans grande surprise que Netflix profite de l'occasion pour le faire sortir sur sa plateforme. En faire un film Netflix... Qu'en penser ? Il est clair qu'au vu de ses récentes sorties, la plupart d'entre elles se sont soldées par de cuisants échecs critique. Mais concernant Mute, film trop longtemps laissé en phase de latence, d'autres circonstances étaient-elles envisageables ?


Annoncé comme le successeur du modeste et tendre Moon, Mute s'en démarque pourtant catégoriquement. À l'instar de l'aspect huit-clos de son aîné, il préfère au contraire élargir son univers et centrer son action au cœur d'une Berlin futuriste et cyberpunk. Si l'aspect visuel est un indéniable atout, le film souffre malheureusement de la lassitude d'une grande partie du public, le fait étant que ce genre visuel peine à se réinventer tant il est ancré dans sa notoriété artistique. On pense évidemment à Blade Runner mais aussi à des œuvres plus récentes telles que Altered Carbon. Mais d'un point de vue technique, il faut admettre la qualité du travail fourni. En effet, outre ce plan large en début de métrage, Duncan Jones nous sert un amas de cadres stupéfiants, travaillés avec un minimum d'effets numériques. Les plus férus du genre ne pourront nier leur fascination pour ces images sombres mais colorées, bourrées de clins d’œil et d'inspiration du genre. Le fait-à-la-main fait son retour ici et ce n'est pas la peine de bouder son plaisir.


L'aspect hypnotique d'une ville dépravée par les pires vices de l'Homme ne prend cependant pas l'ascendant sur l'intrigue ou les personnages. Là peut se trouver un des points faibles du film. En effet, le visuel, si travaillé soit-il, est finalement relégué en second plan au profit d'une trame narrative assez embrouillée. Non pas que cette dernière ne rechigne que du mauvais, mais les éléments scénaristiques peinent à prendre consistance tant les enjeux paraissent confus. Pourtant, de mon point de vue, le casting sert l'ensemble de plutôt belle manière. Si Alexander Skarsgård campe un personnage assez cliché à la profondeur franchement limitée, il lui rend cependant grassement justice au moment des vérités. Mais c'est surtout ce duo venu de nulle part qui parvient à marquer les esprits. En effet, Paul Rudd magistral, Justin Theroux méconnaissable, le binôme enchaîne les séquences tantôt inattendues, tantôt gênantes, le tout dans une justesse de jeu malsaine et jusquauboutiste. Et si le public n'en saisit pas les fins, il ne peut cependant en nier les prestations servies par un casting, certes fortuit, mais globalement impeccable.


S'intéresser à des thèmes tels que la famille et plus particulièrement la paternité octroie au métrage une dimension dramatique tout à fait recevable, parfois même touchante, l'hommage familial en toute fin de film en est la preuve finale. Mais en passer par le biais de sujet controversés peut-être une dangereuse direction, qui suscitera par ailleurs la désapprobation d'une importante partie du public. Néanmoins, le film ne semble pas s'embourber dans des propos philosophiques bidons ou rabâchés, Mute dérange, déroute par sa narration anarchique mais cela n'affecte en rien la cruauté de son récit.


Le bashing envers Mute était finalement assez prévisible. Outre le fait que Netflix se le soit attribué, un trop grand nombre de mauvaises circonstances ont presque eu raison de lui. J'insiste sur le presque car blâmer la sincérité de Duncan Jones pour son travail de passionné serait un léger manque de respect. Il arrive également un temps où les films "fouillis" n'ont plus leur place. On leur préfère au contraire d'autres qui te servent tout sur un plateau d'argent pour finalement se présenter comme étant de simples divertissements. Mute n'est clairement pas un divertissement et oblige le spectateur à se saisir de tous les petits détails ici et là pour se faire sa propre interprétation. Parfois même, ressortir d'un film avec l'esprit embrouillé peut être vu comme une qualité. En outre et aux yeux de certains, il réside en Mute un certain degré de fascination et ça, ce n'est pas rien.

Créée

le 5 mars 2018

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langpier

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