Naître père par pierreAfeu
Et si ce film était finalement la meilleure réponse à apporter aux abjects députés de droite qui ont récemment cru faire les malins sur les bancs de l'Assemblée Nationale ? Commencé il y a deux ans, Naître père n'était pas destiné à devenir un film militant, encore moins un symbole. Il l'est de fait, parce que l'histoire qu'il nous raconte est exemplaire.
Si l'expression n'avait pas été tant galvaudée par les émissions de télé-réalité, on pourrait dire de Naître père que c'est une belle aventure humaine. C'est même bien davantage que ça. L'histoire de François et Jérôme, qui veulent un enfant, et qui rencontrent Coleen et son mari Frank dans la campagne du Wisconsin, nous apparaît comme une utopie devenue réalité. Le monde dans lequel ils évoluent est un monde de bons sens, de l'attention portée à l'autre, du don de soi, de l'altruisme. Alors qu'on pouvait (et qu'on peut toujours) se poser mille questions sur la GPA, on ne peut porter aucun jugement négatif sur ce que le film de Delphine Lanson nous montre. Tout y est clair, honnête, transparent.
François et Jérôme forment un couple aisé. Ils vivent dans un joli duplex près du Canal Saint Martin. Tout légitime qu'il fût, leur désir d'enfant a pu se concrétiser parce qu'ils en avaient les moyens. Mais ce n'est pas la mère porteuse qui leur a coûté le plus cher. Indemnisée pour son incapacité temporaire à travailler, Coleen ne fait pas carrière dans le port d'enfants. Son mari et elle possèdent une ferme. Ils ont eu beaucoup de difficultés à fonder leur famille. Leurs trois triplées sont nées après plusieurs FIV ratées. Ils ont ensuite décidé d'aider un autre couple à avoir des enfants. On est loin de la merchandisation du corps. On est juste dans un récit de vie. Un récit de vie particulier. Don d'ovocytes, implantation d'embryons, Coleen va porter les deux enfants de François et Jérôme. Ce qui va les lier dépasse ce qu'on peut connaître ou imaginer. C'est autre chose. C'est le cœur du film. Et toute sa force.
Naître père suit l'aventure de tout ce petit monde, avec ce qu'il faut de présence et de distance pour éviter voyeurisme et sensationnalisme. Sobre mais pas laid, plus proche d'un documentaire de télévision dans la forme, le film de Delphine Lanson prend cependant davantage de sens dans une salle de cinéma. Parce qu'il faut faire la démarche d'aller le voir. Ce qui veut dire se rendre suffisamment curieux pour accepter l'histoire narrée telle qu'elle est, et simplement telle qu'elle est. On sait évidemment que la réalité de la GPA n'est pas toujours si saine. On sait que toutes les dérives sont possibles. D'où l'urgence d'ouvrir le débat. Et puis, si Elisabeth Badinter s'est emparée du sujet, ça mérite qu'on s'y attarde, non ?