Rien de tel qu'un canevas universellement connu ou expérimenté (un repas de famille, des vacances ici ou là, une rencontre entre untel et untel) pour ensuite transformer la séance en moment d'inconfort. Christian Tafdrup en propose sa variante - un couple et son enfant sont invités un week-end chez une autre famille - et la mayonnaise prend facilement la première heure.

Reposant sur le principe d'identification et des convenances partagées, Ne dis rien glisse de petits coups d'épingles au milieu d'instants les plus anodins pour constamment dérouter Bjørn et Louise (et nous avec). Il faut les encaisser semble-t-il, et c'est sur ce point que Tafdrup marque des points, en nous renvoyer à la face ces petites choses de la vie qu'on survole pour maintenir les apparences ou la paix. Non pas que le film se montre moralisateur, il est même assez proche d'un Funny Games de Haneke. Mais il veille non pas à s'approcher de la ligne rouge, mais à regarder jusqu'où il peut la déplacer. Le malaise grandit autant par le comportement erratique des hôtes que l'attitude plus ou moins conciliantes des invités et de ce que le spectateur projette sur ces derniers. En fonction de l'expérience, chacun fixera sa limite. Selon ce même principe, le dernier acte divisera c'est certain. Certains admettront la bascule dans l'épouvante, d'autres la jugeront aussi brutale qu'incongrue. Il faut dire que la multiplications de décisions incohérentes avec en point d'orgue ce final nauséabond, Ne dis rien tourne le dos à une possibilité autrement plus intéressante d'une lente contagion d'un des personnages principaux. À l'inverse, Tafdrup assume de les mener tous deux nulle part, ce qui choque non pas par son nihilisme mais par son incohérence et sa violence gratuite. Au point de fragiliser l'entièreté du long-métrage. Un remake américain est déjà en route sous l'égide de Blumhouse. Gageons qu'il saura emprunter une autre voie pour donner du relief à un concept suffisamment évocateur mais gâché par une dernière ligne droite en forme de cul-de-sac.

ConFuCkamuS
5
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le 12 avr. 2024

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