Bon, "New-York-Miami" est un superbe film de Capra avec un titre français doublement débile. Le titre original est "It happened one night" qui a bien plus d'allure et contient une part de mystère. Ensuite, les distributeurs français n'ont même pas vu le film puisque ça aurait dû être "Miami-New-York".
Ensuite, pour faire semblant d'être cinéphile, je dirais que c'est le premier film à recevoir 5 oscars dont deux pour chacun des acteurs Claudette Colbert et Clark Gable.
Et puis, pour faire savant, je pourrais aussi dire que c'est le film fondateur d'un type de comédie "Screwball Comedy" qu'on pourrait traduire par "comédie loufoque". Je n'ai pas vérifié.
Tout ces somptueuses remarques n'ont strictement aucune importance pour mon propos. Et je m'en fous un peu. Complètement, même.


Et pour moi, il n'y a rien de loufoque dans cette magnifique comédie que je qualifierais bien simplement, si mon éventuel lecteur me l'autorise, de romantique...


Par quoi commencer ? La mise en scène parait très simple car le film est principalement tourné en extérieurs, dans un car ou dans une chambre d'hôtel. En fait, la photographie est souvent précise, bien cadrée, notamment la nuit, avec de magnifiques portraits notamment de Claudette Colbert et de belles scènes comme la traversée d'une rivière où Clark Gable porte Claudette Colbert sur son dos ...


Non, le truc génial de ce film est la confrontation de deux grandes stars qui jouent deux personnages antagonistes, un peu à contre-emploi. L'un, Peter Warne (Clark Gable) joue le rôle d'un journaliste fauché, viré de son journal. L'autre, Ellie Andrews (Claudette Colbert), joue le rôle de la fille d'un banquier milliardaire qui se trouve à fuir son père qui s'oppose à son projet de mariage avec un espèce de play-boy, peut-être coureur de dot.
Les deux se trouvent ensemble dans un autocar à Miami pour se rendre à New-York. Lui a l'idée d'un super-scoop qui pourrait lui rapporter un max ; elle, elle se retrouve démunie après le vol de ses affaires et ils entreprennent un voyage qui promet d'être une sacrée galère.


En fait, ce sera un voyage initiatique pour l'un comme pour l'autre. Et l'intéressant est la lente transformation en 1 h 40 des deux personnages, d'itinéraires personnels ou socio-culturels différents qui s'agacent au début puis qui se civilisent peu à peu. Pour Ellis, née avec une cuiller en or dans la bouche, faire la queue pour aller aux douches est une épreuve qu'elle finit par apprécier à cause du papotage avec les autres femmes. Pour Peter, qui s'agace à voir Ellis ne pas savoir faire tremper son beignet dans son café, il lui montre l'art du trempage pour que le beignet ne reste pas au fond de la tasse. Une scène d'anthologie.


N'oublions pas une autre scène d'anthologie, celle de l'autostop qui devait être le triomphe de Peter et qui sera celui d'Ellis, plus maline.


Tout le film est baigné dans une atmosphère teintée d'un humour frais et exquis avec les pudeurs réciproques de Clark Gable et de Claudette Colbert. En témoigne l'amusante scène de (début de) déshabillage de Clark Gable devant une Claudette Colbert médusée avant de prendre la fuite. Jamais on ne lui avait fait ce coup-là.


C'est aussi un film où je vois tout l'intérêt du code Hays (certainement non voulu par les auteurs de ce code) où le metteur en scène doit s'ingénier à contourner habilement les règles. Témoin, ce fameux mur de Jéricho mis en place dans la chambre où vont cohabiter les deux personnages la nuit.
En écho à ce mur que seule une trompette peut faire s'écrouler, la fin du film qui traduit bien entendu, on s'en doute, la finalisation de l'amour des deux personnages, est montée avec une discrétion et une pudeur - un chouïa coquine - rarement vue. C'est élégant et tout aussi signifiant qu'une scène torride sous des violons étourdissants.


C'est frais, c'est profond, c'est magique.


J'ai adoré quand j'ai découvert ce film il y a fort longtemps. Je viens de le revoir pour la nième fois et j'adore encore aujourd'hui.

JeanG55
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le 20 févr. 2022

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JeanG55

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