Comme toute une génération dont fait partie Philippe Lacheau, mon souvenir de Nicky Larson remonte aux années 90 et à la diffusion des 140 épisodes dans l’émission le Club Dorothée. A l’époque, nous étions loin des aventures nippones de Ryo Saeba découvertes plus tard. En effet, la série originale (elle-même adaptée du manga de Tsukasa Hōjō) avait été édulcorée par AB Productions qui ne visait en France que le jeune public. Exit donc les références les plus sexuelles. Ryo visitait des bordels. Nicky se contentait d’aller au restaurant végétarien. Il en a résulté une série hybride, mêlant humour débile, références beaufs et de coups de massue mais aussi des séquences d’action énervées, solides, enlevées. Nicky Larson version 90 pouvait passer en un clin d’oeil du gros lourd qui reluque des fesses à un véritable héros prêt à risquer sa peau pour ses proches (et encore plus pour les jolies filles). Moi j’en retiens surtout l’action, le héros qui surgit de l’ombre, braque son magnum et vise juste. A l’époque, l’aspect comédie ne m’intéressait pas. Pourtant, ce fut un de mes premiers contacts avec tout un pan de la culture japonaise.


Savoir que l’auteur des Babysitting reprenait le personnage pour le franciser faisait peur. Puis les premières critiques sont apparues, parfois sympathiques, parfois élogieuses. Et si Lacheau avait réussi à retrouver le souffle d’une époque et était parvenu à nous ramener trente ans en arrière quand on passait nos mercredis après-midi rivés devant Dragon Ball et consort ? Et bien non, Nicky Larson et le Parfum du Cupidon ne parvient à rien, si ce n’est à se hisser au niveau des dernières adaptations de personnages de la pop culture par le cinéma français, comme Spirou ou Gaston Lagaffe.


Philippe Lacheau transpose donc les aventures de Nicky Larson du Japon à la banlieue parisienne. Peu importe. Le pitch de départ reprend les grandes lignes de la série et pourrait être un épisode. Nicky et Laura sont recrutés par un mec (incarné par Didier Bourdon) qui a mis au point le parfum de Cupidon. Celui qui le respire tombe instantanément amoureux de celui qui le porte. Il veut éviter que ça ne tombe entre de mauvaises mains, ce qui se produit évidemment. Les deux héros vont donc se mettre en quête de la malette, contenant le parfum mais aussi son antidote. Précisons à ce stade que suite un quiproquo, le personnage de Bourdon se retrouve parfumé et que Nicky le respire. Celui qui aime tant les femmes va se mettre à désirer … un homme.


En 2019, ça aurait pu être un ressort dramatique intéressant, faire de Nicky Larson un personnage à la fois obsédé mais plus inclusif. Mais Philippe Lacheau et ses auteurs, qui entament leur film par une scène d’action où Larson et Mammouth doivent récupérer une arme déposée sur un pénis, préfèrent en faire une maladie. Pendant 90 minutes, on nous montrera donc un Nicky Larson homophobe qui s’en veut d’aimer un homme et n’a qu’une hâte : trouver un antidote. Au delà de l’aspect horrible de la chose, le héros du film se retrouve dénaturé. En lui faisant, en plus, recevoir du serum du vérité, Nicky n’est plus Larson et Lacheau se met alors à incarner, pendant la majorité du métrage, autre chose que le personnage qu’il était censé porter à l’écran. Le comédien et réalisateur jouant très mal, c’est un carnage à l’écran où s’enchainent des blagues gênantes et des moments qui se veulent plus sérieux. N’espérez pas pour autant retrouver le héros magnifique à moitié dans l’ombre de la série animée. A l’exception peut-être de la scène finale dans le cimetière, Lacheau n’arrive jamais à capter ce qui fait l’essence de Ryo Saeba.
A l’inverse, et ce sera la seule qualité du film, il offre à Elodie Fontan un personnage bien écrit et fidèle, lui-même porté par une comédienne de talent. Si Nicky Larson n’est jamais ce qu’on espère de lui, Laura, elle, est franchement réussie.


Dans ce truc déjà pas très glorieux, Lacheau enchaine les références au Club Dorothée, à commencer par l’animatrice elle-même qui fait une apparition en ne manquant pas de dire qu’elle aime “les chaussettes rouges et jaunes à petits pois” (clin d’oeil appuyé, vous-même vous savez) tout comme le pauvre Jean-Paul Césari qui vient chanter le générique français. En 2018, Steven Spielberg empilait les références à une époque dans son Ready Player One pour mieux les déconstruire et proposer une réflexion au spectateur sur la culture doudou. Lacheau, lui, les aligne en mode “gros coup de coude au voisin”, sans doute parce que c’est LOL de montrer un chevalier en armure sur une barque à moteur (Chevalier, zodiaque, vous l’avez ?).


Dans une interview parue dans le magazine Première de février, le réalisateur a l’honnêteté d’avouer qu’il n’a pas tourné lui-même les scènes d’action, qui lorgnent du coté de Zack Snyder ou de Guy Ritchie, avec de gros ralentis et autres effets numériques. “[Pierre Lacheau] a repéré sur Internet une équipe de jeunes gars, des petits génies qui ont les même références que moi. On a dialogué, je leur ai donné mes idées de plan et ils se sont chargés de cette partie.” Le reste n’est pas pour autant à l’avenant, entre mise en scène sans intérêt et comédiens à la ramasse. Il y avait pourtant tant à faire avec le personnage et l’envie de le transposer (qui, au final, n’est pas la pire des trouvailles). Pourquoi ne pas être parti dans un bon gros délire comme l’était la traduction française de l’époque, où tous les méchants avaient la même voix ? Pourquoi ne pas être allé vers quelque chose de plus graphique à la Scott Pilgrim version Edgar Wright ? Pourquoi pas pousser le délire des références au Club Dorothée jusqu’au bout pour faire un bon gros mélange de tout ça de manière assumée ? Non, au lieu de ça, Lacheau tente de raconter quelque chose sans jamais y parvenir.


Le problème, au final, ce n’est pas tant l’empilement des références ni de tenir des propos d’un autre âge (quoique). Ce n’est même pas de ne pas avoir compris le personnage, tout en faisant semblant d’y croire (l’histoire se termine sur un plan du manga City Hunter et le thème japonais). C’est tout simplement d’avoir fait un mauvais film.


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le 9 févr. 2019

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