3 représentants soviétiques sont à Paris pour vendre des bijoux de haute valeur confisqués au nom du peuple. Mais leur ancienne propriétaire, la Grande Duchesse Swanna, tente de les récupérer et envoie son ami Léon, qui les "corrompt" à la vie parisienne. Les russes envoient alors la très autoritaire Ninotchka pour régler l'affaire et les 3 compères semblent bons pour le goulag. A moins que Léon ne soit capable de percer la carapace rigide de la belle Ninotchka.

J'avais trouvé To be or not to be de Lubitsch absolument formidable, une des plus grandes comédies classiques, et j'en attendais autant de la part de Ninotchka. Je n'ai pas été déçu, tout d'abord grâce à une écriture et des dialogues de très grande qualité. Trois hommes étaient sur l'affaire, dont Billy Wilder, l'élève en quelques sortes de Lubitsch et scénariste de talent, mais également très grand réalisateur à qui l'on doit entre autres Certains l'aiment chaud, Boulevard du crépuscule ou encore Assurance sur la mort. Je me suis surpris à rire à de très nombreuses reprises face à la subtilité de l'humour invoqué ici, c'est très fin et bien senti.

Le film est une critique très acerbe du communisme et du bolchevisme, ça jongle habilement entre sous-entendus et caricatures évidentes. Néanmoins ça reste très critique également envers la bourgeoisie capitaliste, mais de manière plus subtile et en général on retiendra plus la déclaration d'amour faite à la vie parisienne de la Belle Epoque. Juste avant que la guerre n'éclate, Lubitsch n'y va donc pas avec le dos de la cuillère envers les russes (enfin, plus envers le système communiste et ses adhérents), et il sera encore plus sévère envers les allemands durant la guerre avec To be or not to be.

Le tout est couronné par la présence éblouissante de la légende suédoise d'Hollywood, Greta Garbo, surnommée à juste titre La Divine. Garbo, qui est certainement le nom le plus adulé du cinéma classique hollywoodien, emmène ici l'image de la femme fatale dans une nouvelle dimension, jouant d’ambiguïté afin de ne jamais tomber dans la caricature. Elle laisse planer sur son personnage une tension continue qui ne cesse de grandir jusqu'à craquer vers le milieu du film dans une scène des plus remarquables. Elle est l'une des rares stars du muet à avoir survécu à l'avènement du parlant mais on comprend pourquoi, en plus de sa beauté elle a un talent d'actrice indéniable et s'approprie les répliques de son personnage avec une facilité déconcertante. Face à un Melvyn Dougas délicieusement cabotin, elle propose une partition à la fois étonnante et jouissive qui offre de délicieux moments de comédie.

Au final, Ninotchka est une excellente comédie: drôle, tendre et intelligente à la fois avec des personnages très attachants, et une Greta Garbo au sommet de son art dans son dernier chef d'oeuvre, qui est également son avant-dernier film. L'actrice décidera de se retirer pendant la guerre, particulièrement marquée par celle-ci et ne supportant la vie de célébrité, elle finira l'autre moitié de sa vie à l'abri des regards tout en ayant marqué à jamais l'histoire du cinéma au travers de ses personnages inoubliables tels que la magnifique Ninotchka
LeJezza

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