Un coup de cœur et un huit assumé, oui. Pourtant, je ne suis pas le dernier a avoir tiré sur Bay et sur ses films bruyants et usants. Seul "The Island" m'avait fait comprendre que le mec pouvait faire un truc carré quand il le souhaitait. Mais avec ce "No Pain No Gain", ou "Pain & Gain" que sais-je, le réalisateur m'a giflé et m'a laissé sur le carreau.

Très certainement parce que ce film est dicté par un humour noir, très noir, nous faisant prendre un sacré recul sur cette notion phare de "Rêve Américain". Rêve que le réalisateur a pourtant aidé à façonner par l’intermédiaire de son oeuvre patriotique. Dès lors, cette nouvelle note d'intention nous prend de court, ce qui n'est pas déplaisant.

Mais s'il n'y avait que ça à la limite... Mais non, nous sommes bel et bien devant un film soigné, dans son esthétique, son écriture comique, sa mise en scène. Il est clair que l'on ne s’ennuie pas une seule seconde durant plus de deux heures. Le montage suit l'excellente partition de Steve Jablonsky, beaucoup plus inspiré que sur les précédents film de Bay. Les ralentis déboîtent, sans excès. La gestion des couleurs et des lumières amuse et certains cadrages nous affolent.

Mais le film marque surtout par son récit. En réalité, ce n'est pas un scénario très complexe, puisque tiré d'une histoire vraie. Mais nous restons souvent pantois devant les situations narrées, filtrées par un humour noir et souvent crade, et portées par un trio des plus singuliers. Trois culturistes aussi dérangés les uns que les autres, prêts à tout et à n'importe quoi pour goûter la vie de luxe, à base de gammos, villas et bateaux.

Et pour exprimer cette folie active, Bay a réuni trois acteurs au top de leur forme : Wahlberg, Johnson et Mackie. Trois personnages hauts en couleurs. D'ailleurs, nous suivons le fil de leurs pensées par une narration en voix off, ce qui apporte un plus dans la construction dramatique du film.
Lugo est le cerveau de la bande de kidnappeurs, un homme prétentieux et déterminé, un "fonceur". Doyle un camé adepte de la Bible. Et Doorbal une sorte d'autiste qui n'arrive plus à dresser le chapiteau. Trois vermines aux allures clownesques, mais qui n'hésiteront pas découper leurs victimes pour les disposer dans des barils, avant de les noyer dans un lac.

Et c'est sur ce point précis que le film dérange le plus. Tout le long, nous suivons une sorte de farce grasse et amusante, à tel point que toutes les péripéties semblent sorties du chapeau. Mais à la fin du film, le réalisateur nous rappelle qu'il s'agit d'une histoire vraie, qu'un riche homme d'affaires (incarné par l'excellent Tony Shalhoub) a été torturé et séquestré par trois jobards, jobards qui ont été condamnés à mort pour leurs crimes ( à part Doyle, le prêcheur cocaïnomane). Cette réalité arrive comme un cheveu sur la soupe et elle est martelée par un très beau générique qui entremêle images de fiction et images d'archive. Et pendant ce temps, nous reprenons notre sérieux et nous mesurons le fait que nous avons assisté à un fait divers des plus sordides.

Cette prise de recul soudaine m'a marqué et m'a fait alors comprendre que j'étais face à un film réussi, admirablement bien narré et porté par ses acteurs. Car en effet, nous ne savons pas si nous devons détester ou avoir de la compassion pour ce trio dégénéré, qui ont simplement voulu changer leur vie monotone...

"No Pain No Gain" est donc un film singulier, un film efficace et un film marquant. Je ne peux que remercier Michael Bay d'avoir lâché un instant ses bâtons de dynamite et ses cadrages rapprochés sur le drapeau américain, pour voir ce qu'il y avait autour. Une simple pause récréative ou une arrivée à l'âge de raison ? Je ne sais pas, mais en tout cas merci.
Théo-C
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 18 sept. 2013

Critique lue 422 fois

6 j'aime

2 commentaires

Théo-C

Écrit par

Critique lue 422 fois

6
2

D'autres avis sur No Pain No Gain

No Pain No Gain
Gand-Alf
6

Pumping Iron.

Vulgaire, beauf, clinquant, sexiste et parfaitement crétin, voici ce qui caractérise le cinéma de Michael Bay, archétype du bon gros ricain sûr de lui, le genre à rouler en 4x4 cheveux aux vents,...

le 7 sept. 2014

53 j'aime

3

No Pain No Gain
Truman-
7

Du Michael Bay sans Michael Bay ça donne No Pain No Gain

Michael Bay réalise ici un film qui sort bien de ses habitudes, en effet pas question de fusillades a gogo, d'explosions a tout va et de super cascades de fou saupoudré d'effet spéciaux hallucinant,...

le 12 août 2013

51 j'aime

3

No Pain No Gain
real_folk_blues
6

Bay Harbour Butchers

Bon alors, faites des photos, des captures d’écran, sauvegardez dans le cloud, entourez la date dans votre agenda, envoyez un mail à BFMTV ; j’ai mis la moyenne à un film de Michael Benjamin Bay, né...

le 3 sept. 2014

50 j'aime

20

Du même critique

Random Access Memories
Théo-C
9

De l'or en barrettes

Les Daft Punk ne sont pas les artistes les plus présents médiatiquement parlant sur la scène musicale. Sans doute faut-il entretenir le mystère autour des deux masques robotiques. Mais ce "Random...

le 14 mai 2013

42 j'aime

3

The Marshall Mathers LP 2
Théo-C
6

"Eminem killed by M&M !"

C'est un petit peu l'histoire "rapologique" du MC et sa singularité. Un rappeur jonglant entre différentes personnalités, du Shady totalement déjanté, au Marshall plus sentimental, en passant par le...

le 9 nov. 2013

33 j'aime

2

Quand vient la nuit
Théo-C
8

Plus je connais les hommes, plus j'aime mon chien

Michaël R. Roskam est un cinéaste à suivre de près. Découvert, pour ma part, avec l'excellent et surprenant "Bullhead", le belge confirme ses qualités de réalisateur avec ce nouveau film made in...

le 17 nov. 2014

29 j'aime