No Pain No Gain par T_wallace
Michael Bay revient avec un budget 10 fois moins élevé que celui de son dernier chef d'œuvre, et dans l'intention de faire un film à échelle humaine. Qu'est-ce qui lui prend ? On l'ignore...la seule question à laquelle à laquelle il semble possible de répondre après visionnage est : c'est nul, non ? Eh bien justement non.
On peut certes s'interroger sur le réel potentiel comique de Michael Bay dans la mesure où ses gags nazebroques tombent en général complètement à plat, et ne semblent en mesure de dérider qu'un public décérébré d'adolescents scatophiles et/ou érotomanes.
Une difficulté supplémentaire étant de trouver une justesse de ton assez éloignée de la catégorie « filmé par un beauf, pour vous les beaufs » auquel le choix de Whalberg et surtout de Dwayne Johnson semble devoir précipiter le métrage tout droit.
L'idée de génie réside ici dans le fait que pour parvenir à tirer des rires à un public désenchanté et hostile aux pantalonnades hollywoodiennes, le réalisateur de Bad boys et Transformers fait passer son public devant sa caméra.
No pain no gain met donc en scène une bande d'abrutis incultes, fans de gonflette et de ce qui va avec (mélanges protéinés, piquouzes d'hormones, pétasses silliconées et autres séries de cent pompes...), que le seul rêve américain motive dans leur quête effrénée de reconnaissance. Bien évidemment, rien ne passe par autre chose que l'argent au pays du self-made man, et plutôt que d'ouvrir un livre ou tenter une œuvre de charité, les trois protagonistes décident de vivre l'American way of life en enlevant un juif particulièrement antipathique afin de s'approprier son magot. À partir de ce moment, péripéties extravagantes et situations ubuesques s'enchaînent à un rythme infernal et de manière croissante, jusqu'à atteindre une forme d'apothéose de la bêtise pour notre plaisir de spectateur.
Aussi fou que cela puisse paraître au vu de ce pitch une nouvelle fois exubérant, force est de constater que la réussite est au rendez-vous.
En offrant tout de même à The Rock un vrai rôle de composition (rôle pas si éloigné de celui du géant torturé qu'il campait avec brio dans Southland Tales, d'ailleurs), et en s'appuyant sur une prestation très réussie de Whalberg en crétin mythomane à l'ambition dévorante, Bay offre pour une fois un métrage équilibré, très drôle et presque sobre en comparaison de ses films précédents.
Le fait divers dont s'inspire le récit tire singulièrement vers le sordide, pourtant rien ne vient réellement perturber la veine comique : le traitement exclusivement second degré fait mouche et, pour surprenant que ce soit, on a plus l'impression d'assister à un film des frères Cohen qu'à une production Bruckheimer.
Il est même enthousiasmant de voir que l'auteur ne tombe pas dans la facilité de ces films "inspirés de faits réels" qui font les métrages fainéants du moment (The Iceman est un exemple parmi d'autres). Ici le scenario est cohérent, les ellipses s'insèrent très correctement dans le récit, le rythme est soutenu malgré une trame assez fine...tout ceci est plutôt agréable.
On déplore tout de même que la caméra bouge à longueur temps, et certains ralentis et raccords numériques pompeux sont là pour nous rappeler que Bay est avant tout un balourd qui se regarde filmer, mais ces quelques défauts sont, il faut en convenir, compensés par une mise en scène plutôt agréable et certains partis pris rafraichissants, à commencer par cette réalisation fluo/plastoc correspondant parfaitement à la reproduction ensoleillée du milieu des nineteez.
No pain no gain suffira-t-il à faire parvenir son auteur au rang de vrai réalisateur ? Rein n'est moins sur au vu de ce qui se prépare dans l'avenir...néanmoins, à défaut de faire réfléchir (ça, on va oublier), il a pour une fois réussi à faire rire de bon cœur. L'essentiel est là : il peut bien retourner à ses explosions, maintenant.