Seul film notable de la courte filmographie de Kuk Kok-Leung, Nobody’s Hero (1989) nous entraine dans un Hong-Kong sale et crépusculaire. Autant que puisse se démener Ah Gun (Liu Wai-Hung), personnage principal de ce long-métrage, aucun espoir (ne lui) semble permis. Une certaine malchance lui colle à la peau, à l’image d’une atmosphère des plus poisseuse qui soit.


Suivre Ah Gun, c’est suivre un hongkongais qui tranche avec l’air ambiant. Au cœur d’une société au « chacun pour soi », Ah Gun n’hésite pas à risquer son intégrité physique pour arrêter un voleur. Chauffeur de taxi la nuit, il est le premier témoin d’une décadence qui touche ses concitoyens. Ces derniers se complaisent dans le vice jusque dans sa cage d’escalier, où une prostituée fait affaire avec un client lorsque ce n’est pas une certaine classe sociale argentée qui fait la fête en consommant des drogues.


Dans ces nuits désenchantées, Ah Gun assiste non sans une certaine impuissance à ce marasme obscur. Pourtant cela ne l’empêche pas de croire en la Justice. Il rêve d’entrée dans la police malheureusement sans succès (après des échecs successifs aux examens) et trouve comme palliatif un emploi d’agent de la sécurité dans un centre commercial. Le sentiment d’impunité nocturne persiste également le jour. Les triades agissent aux yeux de tous sans être inquiétées. L’image de la police, inexistante ne semble se résumer que dans les arrestations de vendeurs ambulants et des honnêtes gens tentant d’aider son prochain.


Au-delà de ce tableau noir, une lueur d’espoir semble voir le jour avec la rencontre d’une jeune femme aveugle, Jane (Kathy Chow) qui habite son immeuble. A la tombée de la nuit, Ah Gun partage avec elle l’échappatoire par la musique. Lui joue de l’harmonica, elle de la flûte indienne zampona (le morceau « Cockeye’s song » de Ennio Morricone pour Il était une fois en Amérique de Sergio Leone). Ah Gun que sa petite amie trompe trouve alors en la jolie aveugle une pureté semblant être protégée par son handicap. Si elle est protégée contre la vision désespérée qu’offre Hong Kong, elle n’échappe pourtant pas à une contamination sournoise. Transformée en mule par les triades (ici personnifiée par la tronche de cinéma qu’est Sunny Fang), elle deviendra le leitmotiv de Ah Gun : sauver son âme pure.


Drame social teinté d’une romance convenue, Nobody’s Hero vaut pour cette tragédie qui se met en place et laquelle trouvera son dénouement dans une violence cathartique. Si l’on n’échappe pas à une trame classique accusant des moments creux où s’insinuent de faux-rythme ainsi que des scènes comiques censées allégées le propos, Nobody’s Hero offre tout de même son lot de bagarre, de gunfight ainsi que de course poursuite en voiture ou pédestre. La mise en scène sans éclat de Kuk Kok-Leung s’affirme dans l’action. Brute de décoffrage, la réalisation se montre alors d’une puissance destructrice peu comparable dans sa troisième partie. Le final jusqu’au-boutiste abandonne Ah Gun, seul contre tous devant la cruauté sans retenue d’un Heroic-Blooshed glaçant.


A part le final explosif de brutalité sec, on retiendra également une scène contrastant avec l’ensemble du film. Une scène de nuit, sur les hauteurs surplombant la ville de Hong Kong dont les lumières scintillent. Ah Gun s’y trouve avec Jane, c’est son refuge loin de la « crasse ». Un terrain vierge où se construit alors une amitié et un amour sur des bases saines, comme s’il fallait s’éloigner de la ville pour enfin partager ses espoirs sans que ces derniers ne soient broyés.


(voir peloche et + : https://hongkongmovievideoclub.wordpress.com/2012/02/15/nobodys-hero-avis-critique-review/)

IllitchD
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le 20 mai 2013

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