...et l'eau ça mouille. Il est rare que le cinéma français s'empare d'un fait d'actualité aussi rapidement. Nous ne reviendrons pas ici sur ces riches entreprises soudainement devenues philanthropes en lâchant des millions pour faire renaître de ses cendres la cathédrale Notre-Dame de Paris. Nous nous intéresserons, comme Jean-Jacques Annaud, au travail de reconstitution, à l'hommage aux pompiers et à la symbolique que représente ce monument presque millénaire.
Pas le temps d'ouvrir mon paquet d'Hostie saveur fromage que Notre-Dame Brûle nous plonge déjà en plein coeur d'un Paris vivant mêlant reconstitution et images d'archive. En jaillit les étincelles d'une idée simple, mais subtile, formant un substitut de docu-fiction de 110 minutes aussi immersif que spectaculaire. De cette montée en puissance du drame à l'héroïsme des pompiers, manquerait plus qu'un chien à sauver pour en faire un véritable film catastrophe.
Notre-Dame brûle d'un feu effervescent tandis que Paris brûle d'une circulation infranchissable, empêchant les pompiers d'approcher aisément le monument alors encore livré à lui-même. Avant même la crucifixion des reliques par les flammes, les rues de Paris sont étouffantes, un obstacle imparable annonciateur d'une intervention suicidaire qui ne pourrait que mal finir. Jean-Jacques Annaud se sert de la ville lumière comme d'un surprenant antagoniste de premier rang, offrant un suspens inattendu et paradoxalement d'une logique implacable.
L'ennemi Circulation laisse place au coeur ardent de cette bâtisse faite de pierres et de bois. L'équipe des effets spéciaux abat un travail monumental pour un rendu réellement spectaculaire. Cette sensation tendue est renforcée avec les images filmées par la population et les médias lors du drame survenu en 2019. C'est un véritable travail de cohérence narrative minutieusement entreprît par le réalisateur et le grand scénariste Thomas Bidegain, réussissant à mêler réalité et fiction dans un équilibre presque irréprochable.
Dans la fiction, il y a la réalité du sauvetage du personnage Dame Notre par l'héroïque personnage Pompiers. Ce dernier est défini par son grade et quelques répliques suffisent alors à le caractériser pour l'humaniser, malheureusement un minimum, mais toujours cohérent avec l'urgence de la situation ne laissant que peu de place à l'intime. Avançant entre les chutes de pierre, évitant les gaz toxiques et autres retours de flammes, la caméra se place au plus proche de ses héros pour en ressentir toute la pression et leur étouffante progression jusqu'à l'épicentre de l'incendie. Difficile de ne pas éprouver la difficile ascension des volontaires et de leur matériel dans cet escalier exigu circulaire. Autant dans des plans ingénieux que dans un montage au rythme furieux, Jean-Jacques Annaud déploie tout son talent et tous les moyens techniques mis à sa disposition pour reconstruire la destruction.
La symbolique catholique parcourt le long-métrage, non pas comme un élément de propagande religieuse, mais comme la disparition d'un héritage historique de premier plan. Il est vrai que certaines maladresses parasitent l'intrigue du long-métrage, à l'image cette petite fille exagérément attachée à sa croyance. Cependant, dans son ensemble le récit est assez malin pour aborder la religion par le prisme de ce que cela représente universellement. Bien que la notion de sacrifice (sauver la bâtisse et des reliques majeurs) fasse écho à la crucifixion, c'est avant tout un monument de l'Histoire du monde qui disparaît sous le regard impuissant de millions de gens.
Dans son cheminement symbolique et intellectuel, Notre-Dame Brûle n'apporte finalement pas une grande réflexion philosophique sur la religion ou sur l'élan de solidarité que certains diront déplacé. Dans la simplicité assumée de son récit, Jean-Jacques Annaud n'ambitionne finalement rien d'autre que de rendre hommage à l'héroïsme des pompiers et de raconte l'attachement profond de l'humanité à son héritage culturel. En acceptant ce postulat, c'est le plaisir explosif de la nouvelle guerre du feu que nous propose le cinéaste.