A ne pas prendre à la légère.

Il est assez difficile d'expliquer l'importance de ce travail, qui est à la question des produits chimiques l'équivalent de ce que "Le monde selon Monsanto" était à la question des OGM. La démarche est similaire, l'enquête méthodique, et les résultats proches de ceux obtenus dans le film précédent.

Alors je vais le dire simplement : ce travail est fondamental. Je vais vous le redire et lisez-le lentement et sérieusement. Fon-da-men-tal. Le type d'enquête livrée par Robin est un des rares moments de bon sens et d'activité critique qu'il nous est donné de rencontrer.

D'une part elle montre (et ici je n'emploie par le mot "révéler" à dessin, j'y reviendrai) la structure évidente de l'industrie chimique et alimentaire, qui ne se soucie qu'en apparence, et encore, de la sécurité de ce qu'on avale tous les jours. Ce travail d'enquête là est essentiel parce qu'il démonte de façon limpide le château de carte de communication et de propagande médiatique qui entoure ces questions.

Mais il y a un autre aspect fondamental relevé par le film : toutes ces infos sont disponibles. Marie-Monique Robin ne "révèle" rien, elle ne s'infiltre pas déguisée en Ninja pendant la nuit pour voler des dossiers, elle ne fait pas d'hypothèses de complot interplanétaire visant à intoxiquer les gens. Elle ne fait que faire ce que les journalistes et autres intellectuels (en ce compris experts scientifiques) sont censés faire : vérifier la cohérence des raisonnements sur lesquels sont fondés nos systèmes de production et de protection de l'alimentation. Suivre les pistes floues dans les rapports soumis par l'industrie. Demander aux personnes en charge de la réglementation quelles sont leurs sources. Et ce qu'ils font en cas de problème.

Devinez quoi : ils rient jaune, voilà ce qu'ils font. Nous, pas.

Ainsi, si la première couche de ce film invite à se méfier de ce qu'il y a dans notre assiette, il est tout autant le lieu d'une autre prise de conscience, qui est que notre poison quotidien est aussi cette société que nous contribuons tous à maintenir en son état actuel. Une société qui exploite la technologie démocratique pour, par la communication rhétorique, imposer la privatisation de profits de l'industrie aux dépends de la santé collective. A ce stade, il ne s'agit même pas d'un discours politique, mais factuel.

Nous nous empoisonnons donc nous-même en nous satisfaisant paresseusement des médias qui sont les nôtres, des droits donnés aux corporations qui ne portent pas de responsabilité civile face aux dégâts avérés de leurs activités, mais surtout nous nous empoisonnons aussi en imaginant que tout ça va se régler tout seul grâce à de nouveaux experts, à des personnes plus "éthiques", etc. S'il faut retenir une vraie leçon de ce film, et de la démarche de Robin, c'est que le pouvoir doit s'exercer de façon émergente, et non pas en attendant qu'il descende sur nous. Il faut faire comme elle : cultiver son esprit critique et ne pas accepter les réponses qu'on nous donne comme les seules qui valent.