J'imagine que nous sommes tous d'accord : à ce jour, aucun film ne mérite intrinsèquement 10/10. Mais comme j'ai déjà attribué la note de 9 à d'excellents films et que celui-ci est encore meilleur... En route vers le 11/10, c'est logique !
J'en arriverais peut-être à la même escalade vertueuse si j'avais à noter les civilisations. Si, par exemple, je découvrais que la Grèce antique (notée 10) avait tout fait pour cacher au monde occidental que son ennemi héréditaire possédait une culture encore plus fine, je serais bien obligé d'octroyer un 11 à la Perse (aujourd'hui appelée Iran). Délirant pour l'Iran ? Si ce film est représentatif de l'esprit iranien, j'ai hâte d'aller visiter ce pays et ses habitants.
Nous trois ou rien conte la vie d'une famille iranienne sur un mode qui n'a ni âge ni géographie ; sur un ton dénué de toute hostilité ; dans un langage qui n'a besoin d'aucune explication de texte. L'humanisme qu'il délivre est intemporel et universel. Aussi bien en terme d'idéal personnel (la cellule familiale, l'activité professionnelle) que collectif (la famille politique, la patrie).
Heu... en écrivant ces lignes, je m'aperçois que je commets la même erreur que le pitch : j'oublie de faire comprendre qu'on se gondole du début à la fin en déroulant ce drame moderne. Ce film est comique à la façon du grand Molière : on rit en côtoyant sans cesse la tragédie sans jamais y verser. Même les atrocités avérées sont présentées avec la distanciation de l'humour. Un humour qui n'épargne ni le régime oppresseur du shah ni celui des ayatollahs libérateurs (pauvres Iraniens !), mais qui pourtant n'est jamais grinçant ni corrosif. Toujours tendre et fin. Est-ce ainsi que tout Persan rit ?
Nous trois ou rien montre à quel point est difficile (et, au final, déconcertant) le cheminement vers une démocratie laïque. Non seulement en Iran mais aussi en France. Un tel discours inciterait au pathos, à l'emphase. Par bonheur, ce film se joue des écueils avec une grâce inimaginable. Louvoyant avec lui parmi les horreurs de l'actualité, j'ai pu --là est le miracle-- éclater de rire bruyamment, sourire encore plus souvent, compatir profondément, hocher la tête avec complicité, et même endurer que la noblesse intellectuelle ait des conséquences physiquement douloureuses...
Au comble de l'adhésion, j'ai rêvé de changer le titre raté en "Nous quatre" (avec moi dedans). Mais en supprimant "ou rien" puisque la morale que je tire de ce film, c'est précisément que, même quand rien ne va plus, il reste à rire de tout.