Noviciat
Noviciat

Court-métrage de Noël Burch (1965)

Aborder le sujet de la soumission masculine et du fétichisme qui en découle était encore très rare en 1965. Cent ans plus tôt, c'est la littérature qui popularisa ces tendances cérébrales et sexuelles par le biais de Leopold von Sacher-Masoch (La Vénus À La Fourrure) et Pierre Louÿs (La Femme Et Le Pantin) en marchant, à leur manière, sur les traces du Marquis De Sade. Peut-être inspiré par Le Voyeur, œuvre phare du psycho-thriller réalisé en 1960 par Michael Powell, Noviciat se cantonne à une pure relation D/s qui a dû en choquer plus d'un au beau milieu des sixties.

L'origine du métrage se base sur un fait réel vécu par le réalisateur. Depuis les fenêtres de son appartement parisien, Noël Burch pouvait observer la directrice d'une école située en face de chez lui. Fantasme réel ou imaginaire (peu importe en l'état), l'histoire de Noviciat lui apparaît sous forme de scénario où le cinéaste métamorphose l'établissement scolaire en école d'auto-défense exclusivement féminine.

Un voyeur viragophile (paraphilie dont l’objet du désir est les femmes dont la force et la science leur permettent de vaincre les hommes en combat singulier : catcheuses, boxeuses, judokates, etc.) reste fascinée par les méthodes de self-défense instruites par une jeune femme dont il tombe éperdumment amoureux. Finalement séquestré par cette dernière, l'homme se voit d'abord utilisé comme cobaye durant les cours et finit peu à peu à s’assujettir corps et âme auprès d'elle en tant qu'esclave SM. Jusqu'au point de non-retour...

Court-métrage sûrement très étrange pour l'époque, Noviciat remporta néanmoins le second prix, derrière le très expérimental Scorpio Rising de Kenneth Anger, lors du festival d'Évian en 1965. Nous sommes ici 10 ans avant le célèbre Maîtresse, de Schroeder, qui permit à des cinéastes comme Alain Robbe-Grillet (et à d'autres) d'aborder un genre encore tabou (le BDSM) en toute sérénité. Par la suite, Noviciat suscita moult intérêt de la part des féministes extrémistes adeptes de la gynarchie (système social et familial donnant la primauté à la femme) puis à des interprétations politique que Burch contesta. Ce dernier décréta par ailleurs que son métrage n'est qu'une déclaration d'amour viragophile à cette directrice d'école, Frédérique Franchini, qui travaillait donc en face de son appartement et qui, amusée par la situation, accepta d'endosser le rôle principal de son film.

Terme inventé en 1979 par le journaliste-critique Louis Chauvet, la viragophilie (dont Chauvet était lui-même adepte) est aujourd'hui considéré par le corps médical et psychiatrique comme une paraphilie à part entière. Noël Burch ayant récemment consacré un ouvrage à ses propres fantasmes sexuels dans un essai intitulé L'Amour Des Femmes Puissantes : Introduction À La Viragophilie semble ainsi prouver la sincérité scénaristique de Noviciat. Ce qui rend l’œuvre d'autant plus touchante. Ou tordue, selon votre propre sensibilité.

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le 13 nov. 2023

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