Et donc avec cette deuxième partie vient le soulagement face à la question que je me posais la dernière fois : la conclusion sera-t-elle "c'est une catin diabolique" ou "c'est une femme libérée" (nooon ne chantez pas) ? Ouf, sans trop en dire, Von Trier semble avoir réellement maîtrisé sa misogynie avec le glacial "Antichrist", auquel il fait d'ailleurs une évidente référence ici. En revenant finalement sur ses huit chapitres, il leur offre une lumière nouvelle qui inscrit son ouvrage dans une optique, si ce n'est féministe à proprement parler, au moins concernée. On se contentera largement de ce discours, sans trop s'attarder sur la dernière minute qui relance des débats épuisés ; et on arrêtera d'en parler au risque de trop vous spoiler.

Parce que ce film vaut le détour, je pense : il est riche, de par sa longueur et de par son concept. La quasi-totalité de l'éventail de la sexualité humaine y est brossée, avec des perspectives souvent rares et édifiantes. Et Lars Von Trier ne semble pas prétendre dresser un portrait fidèle de la sexualité féminine : il a la sagesse de se cantonner à ce qu'il sait, et bien que ça ne lui évite pas de frôler quelques écueils du sujet à de nombreuses reprises, il parvient à ouvrir à de nombreuses réflexions, à naviguer entre le malsain et l'acceptable, à brouiller les pistes, à finalement prôner une forme de tolérance libératrice.

Cette deuxième partie est plus longue, probablement en raison du sixième chapitre qui paraît quasi-intégral, tant sa durée est indispensable à son côté souvent intenable. Ce film est moins littéraire, moins verbeux aussi que le premier tome ; il est plus violent, plus charnel, plus perturbant, mais la narration nous amène à penser que le chemin qu'elle suit était le seul empruntable. Si l'on n'atteint pas la toute-puissance de "Melancholia", tant dans le propos que dans la réalisation (bien que certains plans rappellent les compositions picturales de ce prédécesseur), de nombreux moments de grâce se profilent, souvent portés par l'incroyable Charlotte Gainsbourg, bien évidemment.

Au total, "Nymphomaniac" forme une œuvre inédite, originale, nouvelle. L'abord de la sexualité, contrairement à ce qui a été vendu, n'est que très rarement provoquant, il se fait plutôt dans la théorie introspective face aux craintes et aux interrogations qui nous réunissent tous. L'histoire de cette femme est aussi tragique qu'inspirante, aussi exceptionnelle que banale (comme le souligne la juste conclusion), aussi complexe que puissante. On y sent à chaque instant le regard tourmenté de son créateur génial qui, s'il se trompe parfois, s'il ne réunira pas forcément, fait preuve d'une sincérité bouleversante dans cette quête de l'intimité, aussi bien personnelle qu'universelle. C'est bien pourquoi oui : "Nymphomaniac" est belle.
Assurément
9
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le 6 févr. 2014

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Assurément

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