Donna Stern (Jenny Slate) est la version féminine de Louie CK. Evidemment, la ressemblance n'est pas physique, mais plutôt dans leur manière de raconter leurs vies sur scène, ou ils se dévoilent sans retenues, ni complaisance. La spécialité de Donna Stern, si je puis dire, c'est de parler de son vagin et flatulences. C'est gênant, ça met un peu mal à l'aise, mais avec le temps, on s'y fait. Mais son vrai problème, c'est d'être la même sur scène et dans la vie. Sa liberté de ton et son manque de féminité, agace son petit ami, Ryan (Paul Briganti), qui vit mal de voir leur vie intime exposé au public et décide de rompre. Elle va se consoler auprès de ses parents divorcés : son père Jacob Stern (Richard Kind) et sa mère Nancy Stern (Polly Draper). Puis de sa coloc Nellie (Gaby Hoffmann), son ami gay Joey (Gabe Liedman) et enfin, après de nombreux verres d'alcool, dans les draps de Max (Jake Lacy). Une nuit sans lendemain, mais pas sans conséquence, puisqu'elle se retrouve enceinte de cet inconnu.

Jenny Slate est une humoriste issue du fameux Saturday Night Live. On a pu l'apercevoir dans la série Parks & Recreation, ou elle incarne l'insupportable Mona Lisa Saperstein. Elle pourrait être une nouvelle comique juive, qui expose ses névroses à l'écran. Une parmi tant d'autres. Mais elle vaut plus que ça. Loin de son rôle très limité dans Parks & Recreation, elle fait ici preuve d'un talent d'actrice drôle et fragile, insoupçonné. Mais il faut être patient pour apprécier sa performance. Son humour lors des stand-up est spécial. Son rôle semble du "déjà vu", avant qu'elle impose son personnage et emporte l'adhésion. Son parcours dans le film, ressemble à celui de sa carrière. Énervante, agaçante, crispante et déconcertante, avant de faire preuve de retenues et de fragilité, la rendant humaine et attendrissante, sans oublier d'être drôle.

Jenny Slate peut remercier la réalisatrice Gillian Robespierre, qui adapte son court-métrage au grand écran, de l'avoir sorti de sa chrysalide. Pourtant c'est un premier film, mais globalement maîtrisé. Une réalisation sobre, au service des acteurs et d'un scénario, que l'on doit aussi à Gillian Robespierre. Le casting mélange des acteurs de séries, de stand up et du Saturday Night Live, presque une réunion entre amis. Un cinéma qui rappelle l'excellent Frances Ha, avec un zest de Woody Allen, qui ne s'adresse pas uniquement aux New-yorkais, même si elle le représente. L'histoire est universelle, une trentenaire qui a du mal à devenir adulte. C'est souvent traité à l'écran, mais cela semble plus réaliste ici. Les personnages sont banals, on pourrait les croiser dans un couloir du métro. On en retrouve certains dans notre entourage, c'est ce qui permet d'être plus proche d'eux, voir de s'identifier. Le couple Jenny Slate et Jake Lacy, fonctionne très bien. Leurs échanges sont savoureux, on s'attache petit à petit à eux, comme elle avec lui. Elle est de tout les plans. Elle fait briller ses partenaires et inversement.

Obvious Child, aborde aussi des sujets délicats, comme les pertes vaginales ou les problèmes gastriques. On appréciera qu'ils ne se gênent pas, pour uriner en présence de chacun. Mais surtout, c'est l'avortement qui est traité ici. Un sujet épineux, partout dans le monde et récemment ici, avec les manifestations de la Manif pour tous dans notre pays. On pourra s'étonner que les femmes qui parcourent le film, ont toutes subies un avortement. Trame narrative pour déculpabiliser l'héroïne, qui doit prendre une décision, ou est-ce un fait avéré ? Après une recherche sur internet, on découvre qu'un tiers des femmes en France, ont eu recours à un IVG dans leur vie. Derrière les divers moments légers, drôles et émouvants, se cache aussi un film qui aborde un tabou, plus répandu, qu'on ne pourrait le croire. Un film que l'on pourrait taxer de féministe, ce qui serait réducteur. En fait, il parle d'une tranche de vie, qui pourrait être la mienne, la votre, bref de tout le monde.

La performance de Jenny Slate va crescendo, à l'image du film, preuve que l'un ne pouvait pas réussir sans l'autre. Une douce comédie dramatique, dans l'air du temps. Un film sur une femme, par une femme et pour le monde.
easy2fly
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le 6 sept. 2014

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Laurent Doe

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