Privé de tout contact humain, et vivant seulement de TV et d'hallucinations, Oh Dae-Su se métamorphose en être déshumanisé ne souhaitant que la vengeance.
La séquence introductive donne le las au reste du récit. Oh Dae-Su est dans un commissariat, filmé à la caméra à l'épaule dans un simili documentaire animalier. Oui, animalier, car Park Chan-Wook présente ici la bête humaine dans toute son absurde splendeur. L'animal que deviendra Oh Dae-Su sera sujet au déterminisme à une quête de vengeance qui l'emprisonne, et dû à une liberté illusoire offerte par Lee Woo-Jin.
La période de captivité du protagoniste mènera à sa perte d'humanité, devenant ainsi un personnage zoomorphe. Dés ses premiers pas à l'extérieur, il renifle et touche le premier humain rencontré. Au restaurant, il mange de la viande crue, et utilise son goût pour repérer de quel traiteur provenaient les gyozas que l'on lui donnait en "prison". Au premier contact d'un humain de sexe féminin sa libido augmente bestialement, l'empêchant de réfréner ses pulsions. Enfin, sa rage est incontrôlable. Enfin ? Enfin non, car il manque un élément essentiel, final, qui doit le faire définitivement basculer dans "l'amoralité animalière" : L'inceste.
Lee Woo-Jin est celui qui mènera Oh Dae-Su sur cette voie. Dans ce jeu, il est le chasseur tandis que le protagoniste est la proie, il est le maitre, lui l'animal de compagnie. Lee Woo-Jin suit ses faits et gestes, sait tout sur lui jusqu'à anticiper ses réactions. Comme en témoigne la fin,Oh Dae-Su n'est qu'un chien qu'il a bien dressé.
Cette voie, Lee Woo-Jin la connait très bien. Lui aussi est motivé par la vengeance et faire payer l'œil curieux de son ancien compagnon en le moulant à son image. La séquence où les deux se voient dans le miroir ne laisse aucun doute sur la réussite de ce plan : Malgré la distance apparente, les deux sont identiques dans le miroir, l'un regardant le reflet de l'autre comme une seule et même personne. Ce ne sont que les deux faces d'une même pièce, que l'utilisation d'une focale longue lors des gros plans sur les deux personnages lient définitivement.
Le final choquant nous pousse, tout comme le protagoniste, à vouloir tout oublier. Face à l'abomination, Oh Dae-Su redevient l'humain minable du début. L'homme qui, lors de ses premières années de détentions, était à la recherche de la rédemption, fut évincer de celle-ci. L'ablation de cette langue qu'il n'a pas tenu ne lui offrira le pardon, le reste de ses sens condamnés à ne pas oublier. L'hypnose n'y changera rien, le cadre naturel où il se trouve laissant indiquer qu'il n'est que devenu un animal conscient de ses péchés.
Le temps est un élément fondamental du film. Emprisonné, le temps est tout d'abord lent. Une certaine claustrophobie s'installe. Des essaies expérimentales (qui reviendront au cours du film) font leurs apparitions à coup de séquences cauchemardesques incluant notamment des fourmis. Un montage cyclique se profile, Oh Dae-Su revivant les mêmes choses dans des plans identiques. Puis, le temps s'accélère, les activités se diversifient et une lueur d'espoir se trouve derrière le lit. Au final, ce temps consacré à cet espoir n'est que vain car le temps du protagoniste n'est pas celui de l'antagoniste.
Le temps est aussi handicapant pour celui qui le manipule. Le film souffre d'un rythme inconstant. Des séquences d'actions sont rapidement coupés par des séquences plus calmes, voire même trop calmes. Par exemple, l'entrée dans le bâtiment de l'antagoniste part sur un rythme intense après une séquence de tension dans l'ascenseur. Après le rapide combat, nous enchainons avec quelques plans ralentissant affreusement le long métrage. Celui-ci s'envole malgré tout dans un rythme effrénée que lors de la fameuse séquence de combat en forme de beat'em up. Le protagoniste, seul avec son marteau représentant la justice, affronte une dizaine d'adversaire dans un moment de légende.
La lourdeur du scénario, teinté de quelques touches d'humour bienvenu, voire même le film entier pourrait finalement se résumer par sa partition musicale. Celle-ci cerne à la perfection le drame qui joue, sur des notes d'un doux fatalisme.