ON THE MILKY ROAD (14,8) (Emir Kusturica, SERB, 2017, 125min) :


Un Conte baroque foutraque narrant l'histoire d'un laitier solitaire qui franchit chaque jour la ligne de front pendant le conflit des balkans pour ravitailler les soldats. Une vie mise en péril quotidiennement près des troupes avant que Kosta ne rencontre une belle italienne arrivée au village pour être mariée au frère de la future épouse du livreur de lait. Neuf ans après le documentaire footballistique Maradona, des disques de rock serbes, l'inimitable réalisateur serbe (lauréat de deux Palme d'or au Festival de Cannes avec l'excellent Papa est en voyages d'affaires (1985) et le chef-d'œuvre Underground en 1995) revient sur nos écrans avec ce long métrage longtemps en gestation, maintes fois remanié et repoussé, avec une œuvre épique totalement traditionnelle dans l'esprit "Kustu movie". Car oui d'entrée de pellicule, nous savons que nous sommes dans un nouveau délire du créatif serbe. Les premiers plans au contact d'un faucon empereur, survolent avec maestria les paysages montagneux et sauvages des balkans avant de se poser devant le laitier (se baladant à dos d'âne avec un parapluie pour se protéger des balles) mélomane au xylophone. Et l'on voit l'oiseau, non pas battre de l'aile mais dandiner son corps de rapace sous les notes mélodiques de l'instrument, la magie opère. Par touches pittoresques le cinéaste capture son monde onirique avec un bestiaire fourni, des scènes surréalistes notamment par le biais d'une horloge complètement détraquée et coupante (symbole du monde qui l'entoure), et de la musique sous les balles et les bombes. De la musique pour recouvrir le chaos. Par son imaginaire toujours très foisonnant et allégorique le réalisateur mets ses souvenirs en cendres, une mise en abîme de ses blessures et de ses propres doutes créatifs. La première phrase du film résonne en cela avec pertinence, Kusturica alias Kosta regarde son miroir : "Alors mon pote, on est de retour ? " venant directement faire écho à ses doutes de cinéaste, car celui-ci ayant déclaré de nombreuses fois vouloir arrêter le cinéma lassé par les polémiques sur son dos. Tournant heureusement le dos aux quolibets occidentaux, parfois malhonnête intellectuellement, Emir reprend sa veine la plus fantasque qui lui sied si bien ! Un long métrage à l'énergie folle, où l'on se retrouve en terre connue, un magnifique fourre-tout en forme de best of, un somptueux bordel, un vibrant chahut musical, une aventure extravagante où tout est désordonné à l'intérieur d'une intrigue anarchiste joyeuse et dramatique. La mise en scène généreuse tente tout avec des bricolages inventifs pour nous offrir des bobines de poésie et de lyrisme. Ce trop plein décline un scénario décousu où le récit un peu bancal est parfois vraiment plombé par des effets spéciaux maladroits pour être poli mais l'abondance d'idées offrent des moments de lyrisme et de grâce dont seul le visionnaire Kusturica a le secret. Entre les situations potaches, la folie expressionniste et la douleur de la guerre, la robe de mariée fait de nouveau son apparition dans le cinéma du serbe, car l'amour est au cœur de tout ce chœur désordonné. Une histoire d'amour échevelée dans une course-poursuite angoissante, qui a malheureusement du mal à trouver une incarnation passionnée entre la magnifique et mystérieuse réfugiée Bellucci et son Emir très convaincant, un peu lunaire et touchant. Une échappée amoureuse à l'alchimie inégale qui manque un peu d'émotions dans les moments les plus dramatiques jusqu'à la sublime séquence finale muette, où les maux viennent déchirer tous les cœurs de pierres. Des larmes qui recouvrent les rires, comme les mélodies nostalgiques de l'ex-Yougoslavie, le résumé d'une âme tsigane prolixe, un maître de cinéma follement amoureux de sa culture et de l'amour au-delà de TOUT. Venez-vous laissez emporter par ce tourbillon d'émotions où le réel et l'imaginaire danse constamment On the Milky road sur des musiques entraînantes. Burlesque. Romantique. Dramatique. Bouleversant.

seb2046
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le 12 juil. 2017

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