On pourrait percevoir le neuvième film de Quentin Tarantino comme étant une synthèse de 22 ans de réalisation, mais il est en réalité le prolongement logique de son cinéma. En cela, on y retrouvera ses thématiques habituelles et son amour pour un cinéma qu'il tourne en dérision avec un profond respect. Mais pour la première fois peut-être, on y retrouve également un arrière goût amer du temps qui passe et de l’irréversible.


Oeuvre monstre, Once upon a time... in Hollywood est aussi une gigantesque cours de récréation maîtrisée où réalisateur, techniciens et comédiens s'en donnent à cœur joie pour retranscrire en image le Hollywood de fin des années 60. C'est ainsi que les faux extraits de show tv, commercials ou d'extraits de films filmés par Tarantino s'entrechoquent et font plus vrai que nature.


L'envers du décor est tout autant imposant quand le metteur en scène filme ses comédiens en y révélant certaines des méthodes d'acting de l'époque. Cela rend compte de l'évolution de beaucoup de choses dont la gestion de l'image d'un acteur. Se sont de véritables pépites qui nous sont dévoilées. De la trop grande proximité entre un acteur et son personnage à la face cachée d'une star étrangère, Tarantino ne se limite jamais à ce que l'Histoire veut bien nous raconter pour entretenir les légendes d'autrefois. Non, il va dans le vrai.


Ce qui rend ce monde de tous les possibles si vivant, en plus de décors magnifiquement retranscrits, se sont les acteurs que l'on pourrait compter sur les 360 doigts de la main. Leonardo Dicaprio magistrale, Brad Pitt mémorable et Margot Robbie hypnotique. Autour de ce trio, la distribution la plus prestigieuse de ces dernières années rappelant la grande époque de La conquête de l'ouest et Le jour le plus long. Mais c'est aussi, comme à l'habitude du réalisateur, un film des révélations. Julia Butters et son talent précoce, Margareth Qually et sa spontanéité rafraîchissante et le saisissante Austin Butler qui était mal partie avec son rôle très limité dans une série. Les acteurs d'hier et d'aujourd'hui, de la fiction et de la réalité, se rencontrent, se confrontent et partagent. Métaphysique.


Il faut cependant être patient avant de comprendre qui sont les personnages, ce qu'ils racontent et ce qui les lies. Il faut être patient avant de saisir où Quentin Tarantino veut en venir avec son acteur de télévision en fin de carrière, son cascadeur peu sollicité et son actrice montante. Et l'idéal pour arriver à pénétrer au mieux l'esprit d'un réalisateur nostalgique d'une époque révolue c'est d'être un minimum familier (avant ou après le film peu importe) du fait divers dressé en toile de fond. Quoi qu'il arrive, l'oeuvre prend une toute autre dimension et en dit long sur les intentions du metteur en scène et des démons qui l'habitent. Troublant dans le mauvais et le bon sens du terme. Une ambiguïté délectable.


Once upon a time... in Hollywood réussit l'exploit d’imprégner le spectateur d'une profonde mélancolie en osant aborder à sa manière un des faits divers les plus médiatisé de l'Histoire du star system hollywoodien. Ainsi, par ses choix radicaux, Quentin Tarantino sait mettre mal à l'aise autant qu'il n'émeut. Le dernier tiers du film déchaîne une passion et une puissance organique allant chercher des émotions au plus profond du spectateur en confrontant la fiction de l'auteur à la réalité du monde. L'émotion est nouvelle, la tension palpable. Cette épopée Hollywoodienne est une idée folle, une idée brillante, une idée fataliste.


Cela dit, il faut rester honnête. On ne peut éluder certaines choses dans le film de Tarantino qu'on ne pardonnerait pas à une autre production d'un réalisateur moins populaire. Ce qui empêche à cette oeuvre très ambitieuse d'atteindre un statut plus prestigieux, c'est son montage. En effet, il ne faut pas avoir fait 15 ans d'école d'écriture pour remarquer qu'une bonne heure est portée disparue. On ne peut blâmer le réalisateur, répondant certainement à des impératifs commerciaux liées à la durée et l’exploitation du film, mais malheureusement ce manque est bien trop présent. Cela conduit principalement à des errances dommageables dans l'écriture des personnages rendant ainsi difficile de cerner les tenants et aboutissants liés à certains d'entre-eux. Il est à parier qu'une version director's cut verra le jour, mais en l'état, ce seul défaut contribue à rendre l'expérience moins marquante qu'elle ne l'est déjà.


Regrettable de finir sur une note négative. Cette oeuvre est grande, cette oeuvre marquera un jour son temps. Mais cette oeuvre à besoin de retourner en gestation afin de libérer son plein potentiel. Tarantino voudrait la compléter en là transformant en une mini-série, à la manière de Les huit salopards (toujours pas disponible en France...). Je le supplie d'en faire avant tout une oeuvre fleuve de 4 heures ou plus, selon ses intentions d'origine, et d'ensuite la proposer en série à un public plus réceptif à ce format.


Vivement la director's cut.

MassilNanouche
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le 19 août 2019

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Massil Nanouche

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