Le triumviat à la barre de Once Upon a Time in Hollywood (OUATIH) a de quoi faire saliver. L’un des réalisateurs américains les plus créatifs de ces 30 dernières années met en scènes les deux dernières icônes d’une industrie en pleine mutation. C’est à la fois intriguant et éminemment excitant. Car Pitt et DiCaprio représentent une espèce à part, en voie d’extinction, celles des légendes vivantes, des stars qui brillent aussi bien par la qualité de leur filmographie que par leur belle gueule, et dont on admire autant la longévité qu’on scrute leur vie privée.
Et c’est un peu de ça dont il s’agit dans OUATIH, d’un autre moment de basculement, plus ancien, que Tarantino a vécu enfant et qu’il retranscrit, riche de son expérience et d’un savoir cinématographique et sériel encyclopédique, tel qu’il l’a fantasmé et ressenti.
Il signe ainsi une œuvre riche, débordante, aux multiples références (qu’on sera loin de toutes saisir), un hommage déférent à une période charnière d’Hollywood, la fin de l’âge d’or et des illusions.
Le plus frappant et le plus déroutant est sans doute que Tarantino délaisse assez largement son style outrancier et baroque, sa violence souvent burlesque et ses dialogues cinglants, un style dans lequel il s’est un peu complaît dans son dernier film (le très moyen et un peu facile les 8 Salopards). Son Il était une fois baigne dans une certaine mélancolie (mais sans nostalgie) et se teinte d’une lumière crépusculaire en écho à la carrière déclinante de ses héros. Bien plus que le fait divers en fil rouge (l’assassinat de Sharon Tate par les adeptes de Charles Manson), c’est bien ça le cœur de OUATI, la fin d’une ère et l’heure de la remise en question pour ceux qui en furent les héros. Et on aime tout autant. Ironique et tendre, jamais moqueur, Tarantino déclare sa flemme aux seconds couteaux, aux artisans d’un cinéma d’un autre temps.
Il s’appuie sur une structure étrange, vaguement chronologique, mélangeant volontairement et avec virtuosité fiction et réel. Le montage est simple, cadencé par une BO d’époque évidemment parfaite mais une fois n’est pas coutume, assez discrète. Le réalisateur alterne entre ses deux arcs narratifs sans grands effets de mises en scène autre que la justesse et une belle assurance. L’impressionnante et minutieuse reconstitution du Los Angeles de 1969 traduit son obsession du détail.
Dans son récit, il brouille la frontière entre ce qui a existé, ce qu’il a imaginé d’alors et ce qu’il crée pour nous aujourd’hui. Une mise en abîme à la fois amusante et pertinente. Ainsi Margot Robbie regarde un film avec Sharon Tate, la vraie. Di Caprio joue du pistolet dans unes série télé décalque de Au nom de la loi et tourne le pilote de Lancer, une série ayant réellement existé, mais sous la direction de … Tarantino. Une boucle maline et ludique.
C’est parfois lent, mais jamais ennuyeux, toujours enthousiasmant, porté à la fois par l’inventivité et la maîtrise formelle de QT, son goût du détail, la performance bigger than life de Di Caprio (grandiose) et celle tout en mystère et en charisme de Brad Pitt.
Une fois n’est pas coutume pour le réalisateur Pulp Fiction, il délivre peu de scènes immédiatement iconiques pour leur flamboyance, mais offre des moments amenés à devenir culte pour l’intimité qu’elles capturent ou la tension qu’elles créent ( Rick dans sa caravane puis sur le plateau de tournage, Cliff en visite chez Mason, Tate au cinéma)
Tout nous amène au final, une haletante pirouette aussi violente que douce-amère, comme pour marquer un peu plus la singularité du 9ème (et avant-dernier ?) film de QT.
Once Upon a Time n’est pas un Tarantino comme les autre. Once upon a Time est un excellent Tarantino.

Thibault_du_Verne
8

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Créée

le 22 août 2019

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