J’ai l’impression que Once Upon a Time… in Hollywood (2019) a pas mal divisé autour de moi. Pour un Tarantino, certains l’on trouvé plus lent, moins centré sur l’action, moins violent ou exubérant que ses précédent films. Pourtant, paradoxalement, je pense qu’on est face à un des films les plus tarantinesques du réalisateur. Et plutôt que de faire une vraie critique du film (que j’ai bien aimé par ailleurs), j’ai envie d’aller au fond de mon enfumag... pardon, de ma fine pensée critique. Pour cela, il faut se poser la question :



Qu’est ce qui caractérise Tarantino ?



Et Quentin, tel que je le comprends, c’est un mec qui aime trois choses. (Attention, spoilers ahead.)



1. Le cinéma



Tarantino, c’est bien connu, est un grand cinéphile, et parle toujours de cinéma dans ses films. Son mode d’expression privilégié de ce point de vue est l’hommage, en gros : Reservoirs Dogs (1992) pour le film de gangster, Inglorious Basterds (2009) pour le film de guerre, Kill Bill (2003-2004) pour le film de samouraï, Django Unchained (2012) et The Hateful Eight (2015) pour le western, etc. Et Once upon a time… in Hollywood est un peu le summum de tout ça, s’intéressant beaucoup plus frontalement au cinéma, ses coulisses (de manière plus centrale que dans Death Proof, 2007), son évolution (la période charnière de la fin de l’âge d’or du western américain), ses stars (seuls Rick Dalton et Cliff Booth sont fictionnels), sa promotion (via les nombreuses affiches de film fictives)…
Et pour ce qui est de l’hommage, il s’en donne à coeur joie, nous gratifiant de nombreuses scènes de western imaginaires quand il ne nous montre pas un excellent détournement de La Grande Évasion (1963) avec Di Caprio en lieu et place de Steve McQueen. Et ça marche, notamment parce qu’il a une très grande maîtrise des codes des genres auxquels il rend hommage. Sans être nécessairement grandiose, son image est toujours impeccablement léchée, et le film est franchement beau à regarder.



2. Raconter des histoires (d’une manière très personnelle)



Mais finalement, ce qui montre peut-être le mieux sa maitrise de ces codes est la capacité qu’à Tarantino à les transgresser sans foutre en l’air son film. Au contraire, c’est comme ça qu’il y apporte sa marque de fabrique. Il le fait de plusieurs manières différentes (en jouant sur le format de l’image dans ses reprises de western, par exemple), mais ce qui me marque le plus est sa très grande liberté narrative. Il raconte ce qu’il veut, comme il veut. C’est pour ça que généralement, la métrique de référence d’un film de Tarantino n’est pas le plan, la scène ou l’acte, mais la séquence, qu’on retrouve dans ses nombreux films chorales ou encore dans Kill Bill avec sa structure en « Chapitres ». Ses films ressemblent souvent à une succession d’histoires courtes, vis à vis desquelles on doit prendre du recul pour apercevoir l’image d’ensemble. The Big Picture. Et dans OUaT…iH, évidemment, c’est le cas : on oscille entre Dalton, Booth, Dalton et Booth, les Polanski et la Famille.
Ça c’est pour la forme de l’histoire. Mais pour le fond aussi. Cela ne l’embarrasse aucunement de propulser une femme en héroïne de film de samuraï, de faire d’un noir un chasseur de prime chez les esclavagistes ou « pire » de réécrire l’Histoire (avec un grand H). On pensera en particulier à l’assassinat d’Hitler dans Inglorious Basterds. Et OUaT…iH tombe exactement dans cette catégorie. Il est probable que ça ait beaucoup moins parlé au public français, mais en Amérique, personne n’a oublié les horreurs de Charles Manson et sa Famille, en particulier le massacre qui a bien eu lieu chez les Polanski avec la mort de Sharon Tate, enceinte. Tarantino se joue magnifiquement de nos attentes en changeant l’histoire au dernier moment, la transformant en une happy end (Dalton relançant probablement sa carrière grâce à Polanski).



3. Les trucs cools



En fait, j’ai l’impression que ce qui prime chez Tarantino, son moteur, c’est le facteur « cool ». Il aime le cool, il veut montrer des trucs cools. Quitte à envoyer balader l'Histoire ou les conventions narratives.


(Rien à voir, mais en cela, je trouve qu’il se rapproche un peu de Zack Snyder, mais le cool de Snyder se concentre sur des plans « iconiques » alors que Tarantino travaille sur une séquence entière. Une sorte de « Snyder du temps long ».)


Et là, voir Di Caprio et Pitt enfin réunis au cinéma, c’est sacrément cool. Voir Di Caprio cramer une folle meurtriere au lance-flammes, c’est carrément cool. Brad Pitt, mettant sa branlée à Bruce Lee, Brad Pitt lunettes aviator sur le nez et torse nu, est diablement cool. Au passage, le bougre a tendence à vieillir comme un grand cru, il a 55 ans tout de même. Et moi je pleure devant la glace. Hum, err, passons. Le film en tout cas ne manque pas de moments qui en jettent.
Après, la limite du cool pour le cool c'est que sur le fond, ça va rarement bien loin. Que voulez vous, on ne peut pas tout avoir.


Bref, avec Once Upon a time… in Hollywood, Tarantino fait une nouvelle déclaration d’amour au cinéma (hollywoodien), comme il sait le faire, avec classe et irrévérence.


PS : à lire, une critique du film avec une très bonne réflexion sur le « double ».

Bastral
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le 18 sept. 2019

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