Cinéma direct : les prémices de Dziga Vertov

One + one est sans aucun doute le premier vrai film de cinéma direct de l'histoire en France. Bien après Jean Rouch ou même tous les films de la Nouvelle Vague : One + One joue sur trois tableaux de “direct“ différents. Tous renvoient à une narration plus ou moins travaillée du direct.


Les trois tableaux principaux qui constituent le film sont en fait tous organisés autour d'un seul, celui des Rolling Stones. On dirait d'ailleurs que le film est une construction à peine cachée d'un film de fiction à partir d'une base documentaire, comme les collages qu'affectionne Godard. Une fois que Godard a mis en boite les rushs des Rolling Stones : il n'y a aucun jeu d'acteur. Il y a même quelques regards caméra, des yeux fermés pour se concentrer, et surtout un projet indépendant du film (sûrement bien plus important aux yeux du groupe que le film du franco-suisse) c'est à dire l'enregistrement de Sympathy for the Devil. Bref, tout d'un documentaire. Tout ce qu'il y a de fabriqué dans ces séquences, c'est à la limite le travelling qu'ils ont installé dans tous les coins du studio, et bien sûr la présence de la caméra. Et ce dispositif de prise réelle induit une installation à une caméra pour ne pas gêner le groupe, et donc l'utilisation du plan-séquence.


A partir de ces contraintes de tournage, Godard construit un gimmick et une cinématique. L'autre partie du film avec les Black Panthers, c'est aussi des hommes qui s'incarnent eux-mêmes, mais cette fois plus dirigés. La vérité et le direct prennent une dimension plus fictive, plus fabriquée, mais dans laquelle se mêle tout de même la réalité presque documentaire du groupe qui la vit. La cinématique est la même que pour les Rolling Stones, là où la caméra n'est plus contrainte du dispositif quasi-documentaire. La caméra s'affranchit mais s'impose librement ses contraintes, un peu comme la fiction dans ce cas-là. Le cinéma commence à se faire.


Dans la dernière scène, c'est le dernier niveau de réalité proposé par Godard dans lequel il filme à deux reprises sa femme de l'époque Anne Wiazemsky. Ici, tout est dirigé. Tout est fabriqué et la fabrication est assumée : tout est joué par des acteurs. Avec ces scènes, Godard relie toutes les réalités du film par une seule. Parfois, la musique des Stones vient se mêler aux plans, parfois Wiazemsky évoque les Black Panthers et ses liens avec eux.


Oui sauf que la scène finale révèle que tout ceci n'était qu'un film de fiction sur les Black Panthers avec Anne Wiazemsky dans le rôle principal... Sur la musique de Sympathy for the Devil. Et la dernière image du film révèle toutes les couches de couleur de la pellicule une à une, comme toutes les couches de cinéma et de réalité qui se sont succédées devant le spectateur pendant plus d'1h30.


Assurément le plus beau pamphlet du cinéma direct, et avec ça le plus intéressant des films de Godard.

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le 12 mai 2021

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