Ces derniers mois je suis tombé littéralement sous le charme d'une légende dont j'aimerai écrire une version. Il s'agit de Lady Godiva. Pour ceux qui ne savent pas, il s'agit d'une icone "féministe" et légendaire du Royaume-Uni au même titre que le roi Arthur (les guillemets sont faits exprès parce que, c'est malheureux, mais la quasi - totalité des figures féministes actuelles ne sont pas celles qu'on croit. Et j'inclus Wonder Woman qui a beaucoup perdu de sa superbe avant le passage par la case Rebirth et Captain Marvel qui de base était l'équivalente féminine et féministe de Captain Mar-Vell et qui est devenue un élément dont on ne sait pas quoi faire dans les comics). L'histoire est simple : Léofric le comte de Mercie accable les habitants de Coventry de taxes malgré les protestations de sa femme Godgifu (latinisée Godiva). Devant une énième requête, il décide d'accepter la volonté de sa femme si elle chevauche les rues de la ville entièrement nue, n'étant couverte que de sa longue chevelure. Et comme Barney Stinson, elle a déclaré : Challenge Accepted ! Et elle l'a fait. Du coup, elle est devenue l'héroïne de la ville et les taxes ont baissé (même si certaines versions disent qu'il n'a pas baissé les taxes sur les chevaux parce qu'il ne l'avait pas encore voté. Ouais, c'est con). Conclusion, Lady Godiva est devenue une figure légendaire et encore commémorée dans la ville de Coventry (mais si vous savez ! La ville qui a été la première ville d'Europe à avoir eu le vaccin anti-Covid !). Et accessoirement la toute première femen de l'histoire. Mais qu'en est-t-il des adaptations ? Si elle a beaucoup de références dans les films, séries et musiques et a été porté plusieurs fois à l'écran (sa dernière apparition remonte à 2015 dans un épisode de Mr Peabody And Shermann de Netflix) elle n'a officiellement eu que 4 vraies adaptations, celle de 1910, celle de 1920, celle de 1928 et celle qui nous intéresse de 1955 avec la Reine du Technicolor : Maureen O'Hara une actrice emblématique de John Ford et des mélodrames classieux et réalisé par Arthur Lubin, un réalisateur que je ne connais pas du tout. Oui car le film de 2008 prend juste le mythe comme contexte et enjeu. Diagnostique ? Bah...si vous connaissez l'actrice et le réalisateur et que ce film vous est passé sous le nez...ça vous en dit long sur l'impact du film. Bref, c'est l'une des films les plus mineurs de la filmographie de Maureen O'Hara.



Réalisation basique et presque sans intensités



Ce film n'est pas un mauvais film mais je peux comprendre les mauvaises critiques de l'époque comme celle du Times. Là où la légende appelait à un traitement plus enchanteur et mythique, le film se veut bien plus terre à terre et réaliste. Dans le style de film de capes et d'épée (d'où le titre en français que je ne comprends pas tant il est hors sujet : Par la Chair et Par l'Epée. Heureusement, maintenant il est surtout connu sous le nom de Madame de Coventry. C'est mieux que rien). Et ...c'est là que ça coince. Le film se veut réaliste et de capes et d'épées...mais n'est pas intéressant du tout. Déjà l'aspect capes et d'épées est très mineur dans ce film qui est très verbeux et il enchaîne des scènes presque de manière mécanique et sans vie. Si on le compare à un autre film assez similaire dans sa structure, à savoir Ben-Hur (pas le film pourri qu'on a eu récemment je parle du culte de William Wyler) la comparaison fait mal. Attention. Je ne dis pas que les 2 films sont identiques. Mais ils se vendent un peu de la même manière. A savoir sur une course légendaire qui arrive dans un simili 3e acte et que la majeur partie du film se contente de voir l'évolution des personnages. La seule différence est que Ben Hur raconte tellement bien son histoire et est tellement bien mise en scène que la course pourtant géniale et impactante n'est que secondaire à l'intrigue, pour un film de plus de 3 heures ! Lady Godiva de Coventry, c'est pareil mais en plat. Le film n'assume pas du tout son aspect film de capes et d'épées et manque de rythme. C'est comme si les scènes s'enchaînaient mécaniquement. Pourtant il essaye de donner de l'intérêt dans un contexte de guerre contre les normands (ce qui va avec l'aspect historique qu'il veut montrer , mais dans le mythe on s'en fiche un peu). Et quand à la chevauchée mythique...on y reviendra plus tard.



Maureen O'Hara irradie le film...mais pas comme on le pense



On va parler de Maureen O'Hara qui joue le rôle de Lady Godiva. D'une part, on ne sent pas que son personnage soit si central que ça dans le film. On met bien plus l'accent sur la relation entre Godiva et Léofric joué par George Nader. Et on sent qu'on met un peu plus en avant le personnage de Léofric que de Godiva. C'est lui le personnage le plus central et qui a de l'impact dans le récit et non Godiva. Alors que...ça devait être l'inverse. Mais ça on y reviendra. Et cette situation est bizarre parce que l'actrice joue tellement bien le personnage et qu'on a envie de le voir plus souvent. Elle joue le personnage de love interest comme si elle jouait une femme forte et digne. Sauf, que le personnage n'est pas vraiment écrit comme étant une femme forte. Mais l'interprétation de l'actrice fait qu'on s'attache beaucoup au personnage. Sauf à un moment et qui n'a échappé à personne...et c'est malheureux : durant la chevauchée. Mais là il s'agit plus de la direction d'acteur qui pose problème. Elle est trop austère. On ne sent pas la dignité ni la gène de chevauchée les rues dans le simple appareil (et pas vraiment chevauchée vue qu'elle est conduite par une abbesse jouée par Kathryn Givney). Ah et un détail aussi, si on peut supposer que durant les séances de shooting, elle soit vraiment nue sous sa longue perruque rousse, elle portait un justaucorps durant le tournage pour prévenir d'éventuel "accidents".


Quant au reste du casting, ils sont très lambdas. Ni bons ni mauvais. George Nader est sympathique en Léofric, Victor McLaglen est pas mal en Grimald tout comme Eduard Franz qui joue le rôle d'Edouard le Confesseur est pas mal. Quant au célèbre Tom le Tailleur qui a donné son nom à Pepping Tom, il apparaît que dans 4 scènes durant la chevauchée le temps qu'un villageois (un allié de Godiva) lui brule les yeux. Comme ça. Il n'est pas comme dans la légende frappée d'une malédiction d'avoir tenté de voir Godiva nue; un villageois lui brûle les yeux (mais ça on y reviendra).


Oh il y a Clint Eastwood qui est là ! Le temps d'une scène ! Bon, soit dit en passant, c'est pas le film ne plus mémorable de sa carrière parce que c'était son 4e film et à l'époque, il n'était pas du tout la légende de maintenant (la trilogie du dollar n'arrivera que 10 ans plus tard). Il ne percera que bien après dans un autre film de Lubin et en jouant pour la série d'Alfred Hitchcock (et la trilogie du dollar aussi).



Quand mélanger réalisme et mythe ne fonctionne pas vraiment



Le film en terme d'histoire n'est pas mal écrit. L'histoire se suit bien, les péripéties ont leurs impacts et le final sympathique. Sauf que tout ce qu'il faisait la légende a littéralement disparu. L'opposition Godiva et Léofric a disparu pour faire place à une romance impossible entre les 2. Les enjeux sociaux et épiques ont fait place à une histoire de capes et d'épées lambda et un film de guerre (mais sans la guerre) contre les normands. La situation des habitants de Coventry n'est pas vraiment évoquée et est surtout le résultat de l'emprise des normands contre les saxons. Et quant à la chevauchée nue de Godiva, elle n'est plus du tout un défi relevé par la princesse mais un châtiment ancien parce qu'elle veut se sacrifier pour libérer son bien aimé. Du coup, c'est du walk of shame. Ce qui ne poserait pas de problèmes si le réalisateur s'écartait du mythe et faisait une vraie marche de la honte. Peut-être pas aussi cruelle que dans Game Of Throne mais quelque chose d'approchant. Sauf que le réalisateur a voulu respecter le mythe à ce moment là, calquant la traversée sur le tableau de Godiva par Edwin Landseer (même si visuellement cela ressemble plus au tableau de Jules Lefebvre. Oui c'est ballot) . Du coup, on ne ressent pas le châtiment mais juste une chevauchée anecdotique (alors qu'il s'agissait du climax). Ce qui est dommage sachant qu'il a été fait en une seule prise et que Maureen O'Hara était aussi impliquée. Et c'est un peu bizarre parce que les habitants de Coventry, on les voit qu'à ce moment là et on ne les reverra plus après (tout comme Tom le Voyeur) et aussi parce que c'est le seul moment où on a un peu d'intérêt dans le film. N'empêche, cette partie là trahit la légende de base et son enjeu pour en mettre une autre qui n'a rien à voir. Et c'est vraiment dommage car une version épique du mythe et respectueuse avec Maureen O'Hara cela aurait fait. Mais non. Mais ça, Arthur Lubin en est conscient. Il est dans ce film en tant qu' exécutant et ne voulait pas le faire , déclarant plus tard qu'il s'agissait d'un mauvais film. Oui. A ce point là.



En attendant une autre plus épique.



Bref, le film sur Lady Godiva est un film plus décevant que mauvais. C'est un film qui renie la légende pour faire son histoire à sa sauce avec peu d'implication du réalisateur (à l'exception de la chevauchée). On est dans la version "bon film" de Beowulf avec notre cricri national, Catwoman et Dragon Ball : Evolution. Un film qui se regarde et mineur mais qui ne rend pas honneur à la légende. Après le personnage sera dans plusieurs séries notamment Charmed et Mr Peabody et Sherman, sera référencée pas mal de fois notamment par Kim Novak dans un film qui plantera un autre clou dans le cercueil de sa carrière et un film en 2008 où elle ne sera que le contexte d'une romance entre une bibliothécaire et d'un playboy (un film tout à fait intéressant ! mode ironie on). Si vous voulez voir une bien meilleure adaptation du mythe, il y a le méconnu court-métrage de 1928 qui raconte en 20 minutes un histoire plus intéressante et proche du mythe (et Gladys Jennings est bien dans le rôle). Le seul défaut étant qu'il s'agit d'un film muet. Là où même le film de 1911 est bien plus synthétique et court. D'ailleurs ça me fait marrer comment le film a été distribuée en France, avec son affiche toute moche et renommé Par la Chair et Par l'épée pour une ressortie en 1962 (soit 2 ans avant la sortie d'Une Poignée de Dollar) avec une affiche...ben celle qu'on voit là. Tout ça pour planquer Maureen O' Hara nue et mettre plus l'accent sur l'aspect Capes et d'Epée plutôt que la romance. La censure me fera toujours marrée !

Neo Cosmic

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