Je cherchais un film à chroniquer pour rendre hommage à Sean Connery, mais comme c'est un acteur dont je suis particulièrement fan, j'ai presque chroniqué tous ses films importants, par chance, il restait celui-ci, qui plus est, réalisé par Alfred Hitchcock, un des films du Maître que je n'avais pas non plus chroniqué, je fais coup double.
Comme les plus grands films d'Hitchcock, Marnie est tout à la fois un film à suspense, une troublante réflexion sur la sexualité de ses personnages, une histoire d'amour complexe dans laquelle le doute, la vérité, la suspicion, les fantasmes et les souvenirs douloureux du passé se livrent un combat incessant. En gros, c'est le film le plus freudien d'Hitchcock.
C'est ni plus ni moins une histoire d'amour camouflée sous une histoire de cambriolage par une adorable kleptomane, traitée par Hitchcock avec un éclat humoristique. Mais le fond de ce film est lié à la psychanalyse, son héroïne cache un secret qui sera révélé lors d'une scène grandiose mais un peu pénible dans laquelle Hitchcock insère tous les refoulements sexuels qui étaient permis en 1964 par la censure.
La question n'est pas tant de savoir pourquoi cette femme qui change d'identités vole ses patrons, mais bien plutôt celle qui attise notre curiosité perverse et qui est celle-ci : pourquoi son nouveau patron (qui au passage ne cesse de reluquer ses jambes) qui la sait coupable, la courtise-t-il et pourquoi se décide-t-il à l'épouser ? Probablement parce qu'il trouve ça excitant de posséder quelqu'un qu'il a pris en flagrant délit, et surtout parce qu'il est fasciné par son mal. Marnie est donc prise au piège mais elle ne veut pas jouer au docteur, car elle considère le mariage comme bestial ; il va donc falloir que l'époux tente par amour d'arracher Marnie à ses souvenirs obsédants de l'enfance et à ce passé qui continue à la hanter et à la traumatiser, en essayant de vaincre la frigidité congénitale de son épouse.
Comme on le voit, le sujet réel de ce film ne m'avait pas spécialement captivé comme les autres classiques du Maître, le film est très inférieur à Fenêtre sur cour, à Psychose ou à la Mort aux trousses, et même dans un genre proche à Sueurs froides, la psychanalyse est certes utilisée un peu lourdement, mais Hitchcock traite le sujet avec malice, car toute sa dextérité consiste à faire naviguer le spectateur de soupçon en soupçon pour qu'il s'identifie à cet époux qui est fasciné par la kleptomanie de sa femme au passé trouble.
Echec critique et commercial, Marnie doit cet insuccès à une combinaison d'éléments, pourtant Hitchcock qui réutilisait Tippi Hedren, vedette de son précédent film les Oiseaux, voulait se garantir une audience en engageant Sean Connery alors que l'acteur venait de triompher dans 2 James Bond, Dr No et Bons baisers de Russie, mais il joue ici très en dessous de ses possibilités, et malgré ça, la faute principale selon les journalistes américains, incomba à miss Hedren, blonde hitchcockienne qui héritait d'un rôle extrêmement complexe et l'un des plus exigeants de l'époque. Les critiques raillaient son talent d'actrice selon eux très limité, car elle n'avait jamais suivi de cours d'art dramatique, et ils se demandaient comment Grace Kelly, égérie perdue d'Hitchcock, aurait approché ce rôle, pour eux comme pour Hitch, on sait que c'était une perte considérable.
Une des autres raisons de l'échec du film, c'est sans doute la façon dont le film fut fait un peu à la va-vite par manque de temps et de budget, avec des décors imparfaits et des transparences grossières dans la scène de chasse à courre ; Hitchcock l'a reconnu et l'a regretté. Heureusement qu'il bénéficia de son équipe technique fidèle depuis une dizaine d'années avec son chef-opérateur Robert Burks, son monteur George Tommasini et le musicien Bernard Herrmann, Hitch put y déployer quelques plans tarabiscotés et des angles de vue qui rappelaient un peu les travellings audacieux des Enchaînés et de Sueurs froides.
C'est l'occasion de redécouvrir ce mélodrame à suspense, l'un des films les plus mal aimés du Maître, injustement mal accueilli lors de sa sortie, même s'il ne figure pas parmi mes préférés de sa filmo.

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le 1 nov. 2020

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