En ayant vu à quelques semaines d'écart deux films sur des profs coincés dans un engrenage infernal, je dois bien avouer que je reste circonspect face aux choix scénaristes de celui-ci.


Comparaison n'est pas raison mais tout de même. Là où La Salle des Profs se concentre clairement sur les problèmes au collège et les rapports entre profs / élèves, Pas de Vagues cherche à s'emparer de tous les sujets en même temps.


On pense regarder un film sur une dénonciation calomnieuse et d'un prof plus ou moins lâché par sa hiérarchie mais en réalité pas vraiment. J'ai cru comprendre que le réal' s'est inspiré de son propre vécu pour pondre le scénario mais de celui-ci il faut en parler. Car si les faits imaginés sont proches de la réalité, il faut le mettre sur la table.


Le personnage incarné par François Civil est problématique. Au-delà de la passion d'un jeune prof débutant, tout son positionnement est étrange voir suspect. Si j'étais prof, je sortirai horrifié du message général du film. Car non seulement Julien, le personnage principal, a le don d'agir comme un fin de race mais il est, en plus, légitimé par une majeur partie de son entourage personnel et professionnel.


Mais finalement, ce n'est ni la stupidité ni l'arrogance du jeune coq ni la complaisance de son entourage qui dérangent mais l'hyper valorisation de leur point de vue. L'élève qui dénonce est tout de suite écrasée par le mutisme et par son grand frère (sur lequel nous avons beaucoup à dire), la seule collègue qui ose remettre en question le narratif de Julien est attaquée pour son manque de loyauté et le petit ami qui demande à Julien de changer de stratégie de défense est renvoyé à ses embrouilles familiales.


Dans le film, Julien n'a pas tort. Alors, la dernière scène moins manichéenne ou la volonté supposée du réalisateur visant à montrer les effets d'une dénonciation calomnieuse sur la psyché d'un homme peuvent-elles sauver le film ?


A mon sens, non.


Car ce film est en plus beaucoup trop gourmand.

Gourmand sur son ambition et sur ses moyens.


Le film ne se pose jamais sur les pistes qu'il ouvre. On alterne entre tellement de sujets et d'angles que le film se perd. Pèlemêle, ce film parle d'harcèlement, de prof qui débutent leur carrière, d'un rectorat absent ou lâche, d'homosexualité, d'homophobie, de populations d'origine immigrée, de pouvoir d'achat, etc


Mélanger le tout et vous obtiendrez ce film. Qui au passage sort la tête de l'eau grâce à son jeune casting éblouissant de sincérité (je parle des enfants, hein, qu'on soit d'accord).


Parce que je suis dans une phase bien gauchiasse, je me permets d'ajouter que l'atmosphère un peu condescendante sur le choc des cultures entre des profs bien-de-chez-nous et des élèves de-chez-nous-mais-tout-de-même-pas-complètement est un peu malaisante; malaise qui atteint son paroxysme dans le traitement du petit ami (alors que bordel, Shaïn Boumedine a l'un des regards les plus sensuels de sa génération et il n'est utilisé que comme un pédéraste de second rôle) .


Bref, à trop vouloir en faire, on fait mal - et je sais de quoi je parle, je suis le dernier de la portée de mes parents, je ne vous dis pas le calvaire.

BlackHornet
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le 3 avr. 2024

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BlackHornet

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