« Mignonne allons voir si la rose...donc, si vous me croyez, mignonne, tandis que vostre âge fleuronne en sa plus plus verte nouveauté, cueillez, cueillez votre jeunesse, comme à ceste fleur la vieillesse fera ternir vostre beauté. »
« Tu viens, poupée ! On va se dépêcher de mettre le couvert avant que tu ne sois complèrement décatie »
Il nous plaisait parfois, jeunes gens et jeunes filles des années 70 de résumer l'Ode à Cassandre de Ronsard par cette trivialité qui était censée faire sourire et, il faut bien le dire, qui faisait même la plupart du temps franchement rire.
Julien/François Civil est professeur au collège. Donc enseignant auprès d'adolescents avec tout ce que cela veut dire d'instabilité et de fragilités. A peine plus âgé qu'eux sans doute et pétri de ce qui doit être au cœur de l'exercice de son métier, il pose un regard bienveillant sur eux pour les encourager et les stimuler.
Là où nos maîtres de l'école élémentaire ne voyaient en l'Ode de Ronsard qu'une charmante bluette racontant une histoire de jeune fille invitée à aller cueillir une rose dans son jardin, il appartient au professeur du secondaire d'expliquer à ses élèves la langue de cette galanterie amoureuse parfois pressante qui anime toute l'oeuvre de Pierre de Ronsard.
Julien est dans son rôle de professeur quand il aide ses élèves à accéder au sens de l'Ode à Cassandre et ses élèves lui offrent en retour autant leur humour cru dont la parodie évoquée plus haut est un doux euphémisme, que leur capacité à donner un sens caché aux mots et au regard que leur professeur aurait posé sur l'une d'entre elles.
Que cette bienveillance se traduise par une sortie hors temps scolaire pour quelques élèves méritants, qui exclut de fait d'autres adolescents avec ce que cela peut entraîner comme frustration et comme envie, n'a certainement pas été la meilleure idée de Julien. Les ingrédients d'une situation potentiellement conflictuelle sont dès lors réunis et n'ont plus qu'à trouver un point de fixation pour éclore. Pierre de Ronsard l'a offert à son corps défendant.
La timide Leslie/Toscane Duquesne va se trouver au centre d'une situation qui s'embrase très vite et à laquelle un frère un peu fruste et au front bas apporte la touche extérieure au monde scolaire.
Pas de vagues de Teddy Lussi-Modeste est inspiré de faits qui se sont réellement produits comme, il y a plus de 50 ans, le film Les Risques du métier d'André Cayatte avec l'inoubliable Jacques Brel dans le rôle de l'instituteur Doucet.
Le film de Teddy Lussi-Modeste et d'Audrey Diwan n'est pas à proprement parler un remake contemporain du film d'André Cayatte, même s'il en reprend certains ingrédients, dont la terrible rumeur qui est bien plus forte qu'un mensonge...qui est une arme redoutable qui rôde autour de la table...qui est un arbre sans racines et ...est un microbe qui se transmet par la voix (Yves Duteil-La rumeur)
Pas de vagues traite également des dégâts que peut engendrer une telle rumeur dans une communauté enseignante, entre hommes et femmes travaillant côte à côte attelés à la même mission. Les caractères comme les arrière-pensées se révèlent alors au grand jour et, même la situation une fois apaisée, rien ne sera plus jamais comme avant.
Professeurs des écoles comme professeurs des établissements du secondaire tireront bénéfice à aller voir ce film toutes affaires cessantes, comme autrefois leurs collègues l'ont fait avec Les risques du métier.
A tous je recommande par ailleurs et en complément utile la lecture de l'excellent livre de Marie-Monique Robin L'école du soupçon paru aux éditions de La Découverte en 2006.