Il y a des tas de raisons de détester ce film. Un film de profs qui évacue rapidement toute mise en scène de l'art d'enseigner, un regard décliniste assumé sur la jeunesse des quartiers gangrénée par l'absence d'esprit critique, un protagoniste lâché de toutes parts qui va Charybde en Scylla, un (non) dénouement qui laisse le spectateur en plan. Le scénario adopte le parti pris victimaire d'un jeune prof qui est injustement accusé de harcèlement après avoir tenté de trop se rapprocher de ses élèves. S'ensuit un engrenage inexorable. Humilié par ses élèves, menacé de mort par un grand frère violent, lâché par ses collègues et sa hiérarchie couarde.
Pas de vague est une charge au vitriol contre l'institution scolaire incapable de protéger les enseignants lorsqu'ils sont pris dans le tourbillon des accusations infondées des élèves.
Certes, le prof a fait quelques erreurs magistrales et celui-ci ne semble guère enclin à la remise en cause. De cela il ne sera guère question. Le prof n'a rien à se reprocher, dont acte et le spectateur est invité à adopter son point de vue.
Pas de vague est un film sans espoirs qui pose un regard désenchanté sur l'état de notre école publique. Dommage qu'il n'évoque nullement les causes sociales de cette faillite collective. La ségrégation sociale qui fait de l'école publique une voie de stockage pour les seuls élèves des milieux défavorisés n'est même pas suggérée. Pas de vague s'en tient à un point de vue subjectif et se garde bien de proposer la moindre ébauche de réflexion politique.
Mais je dois dire que j'ai été assez captivé par ce film. Ne serait-ce que parce qu'il dresse un tableau naturaliste assez édifiant des nouvelles générations. Le regard porté sur la jeunesse est sans concession et radicalement pessimiste mais invite à la réflexion. La jeunesse des quartiers y est dépeinte en manque totale de repères, confrontée aux injonctions paradoxales d'une société sans filtres où tout prend des proportions démesurées. Un texte de Ronsard devient une invitation à la pornographie, une mise en scène de l'astéisme devient du harcèlement. Totalitarisme du premier degré qui caractérise notre époque. Dépourvus de mots pour exprimer leur pensée, dénués de capacités de compréhension des différents niveaux de langage, du second degré et de la métaphore, ces jeunes réclament de l'attention de la part des adultes mais quand ils en obtiennent, ils la vivent comme une agression. Triste réalité d'une jeunesse qui doit tout faire pour se faire remarquer mais sans jamais sortir du rang.
Bref, un film dérangeant mais qui mérite d'être vu, ne serait-ce que pour la qualité de l'interprétation de François Civil et de la troupe de jeunes acteurs assez épatants.