Triste hasard que de regarder ce film le jour où une professeur de musique de 66 ans se retrouve poignardée… Écho d’une société dans laquelle aujourd’hui, enseigner relève plus du défi que de la vocation. Bref, passons outre nos sombres actualités pour parler un peu de Pas de vagues, que je qualifierai de franche réussite.
Julien, jeune professeur de français, se retrouve dans le désarroi et les ennuis après qu’une élève l’accuse injustement de harcèlement. Il cherche alors vainement de l’aide auprès de ses collègues et d’une hiérarchie qui se montre étrangement mutique et inefficace.
Lorsque l’on s’intéresse un peu à la genèse du film, on découvre que cette histoire est le témoignage du propre vécu de son réalisateur, Teddy Lussi-Modeste (au passage, belle force que d’être capable de retranscrire à l’écran un tel cauchemar).
Parce qu’il s’agit bien ici d’un véritable cauchemar éveillé que vit Julien, ce candide professeur plein de naïveté et de belles intentions dans un monde qui ne lui fera aucun cadeau. Plus le film avance, et plus on sombre dans le désespoir. Partant d’une simple lettre, chaque mot, chaque geste, chaque regard du professeur devient une sourde menace pour le jeune enseignant qui continuera, malgré tout, d’essayer de sauver sa peau face à cette armée de jeunes qui ne veulent que le détruire, ou de ses collègues qui ne veulent que tout effacer.
Beaucoup de fois, j’ai eu envie de secouer Julien, de lui hurler de sortir les griffes, mais il est déjà bien trop tard lorsqu’il se décide à le faire… C’est toute la force de ce film éprouvant ; nous faire sombrer avec lui. Nous lancer quelques bribes d’espoir pour mieux nous les ôter quelques secondes après. Pas de vagues est un tsunami dont on ne sort pas indemne, tant il nous rappelle l’état sordide et dangereux de notre si chère Éducation Nationale.
François Civil est impeccable. J’avais des doutes au départ du film, mais il incarne à la perfection ce jeune professeur idéaliste et totalement incapable de s’ancrer dans ce monde où la rumeur est plus forte que le fait. Il exprime dans le regard un panel incroyable d’émotions, ce qui, je dois dire, me convainc de son talent.
Ajoutez à cela une esthétique froide, lente, désaturée au possible (cette salle de classe aux murs gris béton, brrrr…), et vous avez alors une idée de la tristesse ambiante de toute cette situation.
Je ne suis pas forcément d’accord avec celles et ceux qui affirment que Pas de vagues est plein de clichés. Déjà, c’est pas le sujet du film. Et puis… Au contraire, il joue sur les ambiguïtés pour que chaque professeur comme élève ait sa double-face ; l’élève le plus prometteur peut être le plus traître, la collègue la plus soutenante peut être la plus lâche lorsqu’elle n’a pas ce qu’elle veut, l’élève la plus hargneuse peut-être la plus évidente à cerner, les amis les plus capés peuvent être aussi les plus mutiques, la jeune fille la plus timorée peut, quant à elle, devenir la pire menace qui soit.
J’ai peut-être noté trop dur, ici.
Parce que ça se finit trop brutalement.
J’aurais aimé une fin moins abrupte. Une fin moins dure…
Mais on ne sort pas indemne de ce film, et si c’est son but, alors c’est réussi.