Un type qui porte le nom de sa ville, quelques lignes de poèmes qui ne riment pas, un amour sûr et envahissant, réconfortant et vrai, et des bribes d'instants partagés avec des inconnus familiers, ou dérobés à d'autres. Telle est, à priori, l'histoire portée à l'écran par Jarmusch. Mais la façon dont on la lit n'a rien à voir avec celle dont on la voit. Plus encore, il s'agit là de percevoir.


Ce sont des références culturelles précises, une attirance certaine pour le Japon avec les rappels évidents à l'artiste Yayoi Kusama, et un hommage littéraire, comme c'était le cas avec le poète William Blake dans Dead Man. L'histoire est multiple. Passionnée, transportée par une bande originale méticuleusement choisie qui donnerait lieu de croire à une montée crescendo de l'action vers un événement dramatique quand il s'agit, précisément, de rendre dramatique une apparente banalité ambiante, l'histoire se trouve véritablement nourrie par les répétitions du schéma existentiel du personnage.


Paterson raconte l'écriture et ses procédés, la façon même de revenir sur un texte brouillon entrecoupé par la réflexion, en le lisant à haute voix une seconde fois, en entier. Mais il raconte aussi la richesse du sentiment amoureux pour en faire un cocon de poésie contemporaine. Il y a chez Jarmusch une certaine lenteur de l'action qui, loin d'ennuyer, crée au contraire une sorte d'accoutumance du côté du spectateur, comme un besoin réel d'en savoir plus au sujet de choses un tout petit peu exceptionnelles. Ou alors ce sont bel et bien des choses ordinaires, rendues exceptionnelles par le procédé d'introspection permanente que suivent les personnages.
Si l'on s'attendait à ce que le bus se transforme en boule de feu cependant, il ne fallait pas aller voir le film. Message subtilement placé par le réalisateur.


Pour parfaire ce rêve éveillé, la présence satisfaisante d'Adam Driver en garçon sensible et délicat étonne, enchante un petit peu aussi. Quant aux personnages secondaires, ils apportent eux aussi une dose de fantaisie presque magique, simplement parce que nous les observons au travers du regard de Paterson. Il reste cependant une sensation étrange au sortir de ce film, comme une impression de vide plein, un manque. Un petit bouleversement. Que s'est-il passé en fait?

eleonoreoldwood
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le 10 oct. 2017

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